(Aix-en-Provence 1643 – id. 1672)

Laurent Fauchier

Portrait du chevalier de la Rose, circa 1668 - 1670

Huile sur toile, 77x68 cm

Achat, 1979

Inv. : 979.6.122

 

Nous ne savons que peu de choses sur la carrière de Laurent Fauchier. Fils de l’orfèvre aixois, originaire de Brignoles, Balthazar Fauchier, il est placé en apprentissage en 1654 et pour une durée de trois ans chez le peintre Bernardin Mimault (1609 – 1673). Durant cette période, il est certainement en contact avec Pierre Puget. On pense qu’il suivit le duc de Vendôme, gouverneur de Provence, lors de l’un de ses séjours parisiens et qu’il put à cette occasion rencontrer le grand Pierre Mignard, qui l’aida à se perfectionner dans l’art du portrait. En 1664 il épouse une cousine et est reçu maître orfèvre de la Ville d’Aix-en-Provence. Pour autant, sa carrière comme portraitiste prend le pas. En 1671, il reçoit la commande très prestigieuse des « portraits de tous MM. Les Présidents, Conseillers et  gens du Roy de ladicte Cour de Parlement, vestus en robe rouge et assis ». Une commande de 6 000 livres qu’il ne pourra honorer avant sa disparition prématurée l’année suivante à 29 ans. Là encore la légende prend le pas sur l’Histoire, puisqu’il fut raconté qu’il serait tombé amoureux de la plus jolie femme de France, Mme. de Grignan, fille de la marquise de Sévigné et épouse du Lieutenant général de Provence, en faisant son portrait. Il serait mort de chagrin face à l’indifférence de la belle Françoise. L’œuvre la plus documentée de Laurent Fauchier reste le portrait du Musée de Toulon dont on sait qu’il existe deux autres versions moins abouties. Ce tableau était jugé si beau, qu’en 1773 le marquis de Barbentane, ministre de la France en Toscane, le proposa, mais sans succès, pour la Galerie des Offices. 

C’est avec la Renaissance et la reconnaissance du sujet que les autoportraits et portraits d’artistes se généralisent. L’haeccéité du moi est de plus en plus marquée et le peintre devient sujet de la peinture. Certains mécènes collectionneront les effigies d’artistes, tel le cardinal Léopold de Médicis dans la Florence au XVIIe siècle. L’œuvre d’art, en tant que création intellectuelle, place dès lors l’artiste au-dessus du simple artisan et son portrait doit témoigner de cette nouvelle dignité. En France, la création de l’Académie royale de peinture et sculpture en 1648 allait consacrer cet état de fait. Et, dès 1655, la vénérable institution allait passer commande des effigies de ses membres les plus éminents et certains de ces portraits purent même servir de morceaux de réception. A sa suite les centres provinciaux ne furent pas en reste. C’est dans ce contexte que l’on peut situer le portrait de Jean-Baptiste de La Rose par Laurent Fauchier.

Jean-Baptiste de la Rose (1612  - 1687) est alors « Maître peintre entretenu par le Roy » à l’arsenal de Toulon. Après l’abandon de la carrière militaire, Jean-Baptiste se forma à la peinture dans l’atelier de François Mimault, père de Bernardin, lui-même maître de Fauchier. La Rose est considéré comme l’un des premiers grands védutistes français. Son œuvre garda une influence durable et, encore au milieu du XVIIIe siècle, le Marquis de Marigny, Surintendant des bâtiments du Roi, recommandera à Vernet l’étude de ses tableaux avant de se lancer dans sa série des ports de France. Dans les grandes villes portuaires françaises, les ateliers de peinture et de sculpture des arsenaux sont de véritables pépinières de talents. Ces centres sont particulièrement attractifs car ils permettent aux artistes d’échapper au système des corporations. Colbert accorda importance et attention  à ces ateliers servant à l’ornementation des vaisseaux construits pour la gloire de Louis XIV. Ainsi, entre 1660 et 1680 on ne compte pas moins de 80 sculpteurs et 55 peintres qui se côtoient dans l’arsenal de Toulon. Et, dès la fin du XVIIe siècle, on institue même les cours de dessins dit des Gardes, pour la formation exclusive des officiers de marine. Le fils de Jean-Baptiste, Pascal de la Rose, fut d’ailleurs l’un des maitres de cette institution et succèdera à son père dans la charge de peintre du Roi.

Ce portrait est la marque d’une complicité et d’un respect évident entre le peintre et son modèle. Le fond neutre, la sobriété de la palette, le réalisme sans concession du visage, la lassitude du regard et les mains noueuses toujours au travail, n’enlèvent en rien à la grande dignité de Jean-Baptiste. Son costume de notable et le linge impeccablement blanc sont bien la preuve de sa réussite sociale. Cette œuvre « peut compter parmi les chefs-d’œuvre du portrait de l’époque, par la précision aiguë de la description, la vivacité de l’expression et l’économie de la composition, qui met en valeur la richesse de la pâte » (Emmanuel Coquery).

Rémy Kerténian – directeur des affaires culturelles

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