(Toulouse 1645 – Paris 1730)

François de Troy

Portrait d’homme jouant avec un chien

Circa 1715 - 1718

Huile sur Toile 139 x 106 cm

Achat, 1872 – collection Malcor

Inv. : 956.34.1

 

La collection Malcor fut déposée au Musée de Toulon dès 1858, son propriétaire attendant que la Ville obtienne les moyens financiers de l’acquérir. L’ensemble avait, pour une bonne part, une provenance prestigieuse. En effet, l’amateur avait acheté un nombre conséquent de toiles en 1843 auprès de la célèbre famille Clary, à Marseille. Ce n’est qu’en 1872, face à la maladie d’un Malcor vieillissant, que la Ville décide l’achat de vingt tableaux, contre une pension annuelle de 1 000 francs. Parmi ces œuvres se trouvait ce beau portrait d’homme, attribué alors à Nicolas de Largillierre. Il faudra attendre 1935, au gré d’une restauration, pour que l’on retrouve les traces de la signature, permettant de donner sans contestation possible le tableau à François de Troy.

François de Troy, issu d’une famille d’artistes toulousains, se fait très tôt remarquer avec la réalisation d’armoiries pour l’entrée solennelle du Prince de Conti à Toulouse en 1662. On le retrouve ensuite à Paris où il poursuit sa formation dans l’atelier de Nicolas Loir, puis de Jean I Cotelle, dont il épouse la fille en 1668. D’abord peintre d’Histoire il est agréé à l’Académie en 1671 puis reçu en 1674 avec « Mercure et Argus ». Par sa fréquentation de l’atelier de Claude Lefebvre, il s’oriente vers l’art du portrait dont il sera l’un des plus grands représentants de la fin du règne de Louis XIV et de la Régence. On pense que grâce à ses liens d’amitié avec Charles Le Brun, premier peintre du Roi, il fut mis en contact avec Madame de Montespan, qui en fera l’un de ses artistes attitrés. L’entregent de l’impétueuse favorite lui permettra d’entrer en contact avec la famille royale et de tout ce qui compte à la cour et à Paris. Il sera aussi le portraitiste de la famille royale d’Angleterre, exilée en France au château de Saint-Germain-en-Laye à partir de 1689. Fin courtisan, François de Troy s’attacha ensuite au duc du Maine, bâtard chéri de Louis XIV et à son influente épouse, fille du prince de Condé. Adjoint à professeur en 1692, il est nommé professeur à l’Académie l’année suivante. Il en sera directeur de 1708 à 1711. Il sera aussi plusieurs fois sollicité par les échevins parisiens pour des commandes religieuses. Son fils Jean-François (1679 – 1752) collabora avec lui à la fin de sa carrière avant de relever le flambeau et de perpétuer la gloire familiale.

Nous ne connaissons pas l’identité du personnage représenté sur le portrait conservé au musée de Toulon. Pour autant, la perruque, poudrée de blanc comme cela devient à la mode (et pour longtemps) dans les premières décennies du XVIIIe siècle, la magnifique robe de chambre lie de vin doublée de brocart d’or, sans oublier la veste brochée d’argent et la blancheur immaculée de la délicate cravate, tout indique ici la haute qualité du modèle. Cette sensation de dignité est renforcée par la grande draperie verte librement brossée et les doubles pilastres qui encadrent le personnage. Le réalisme du visage (ombre de la barbe naissante, lèvres délicatement entrouvertes) et la délicatesse de la gestuelle des mains donne un sentiment de vie au portrait. Cette impression est accentuée par « les mouvements contrariés de la tête, tournée vers la droite et des gestes s’adressant à l’animal, à gauche, (qui) ont permis à l’artiste de tempérer la verticalité de sa composition, tout en conservant l’élan imprimé par le déploiement flamboyant de la robe de chambre . (…) Ce portrait appelle très vraisemblablement un pendant représentant une femme ayant peut-être un chien ou, plus poétiquement un oiseau » (Dominique Brême). En effet, le petit lévrier d’Italie, très en vogue à la cour à l’instar des épagneuls nains ou des carlins, ici somptueusement installé sur un carreau de velours rouge cramoisi, reste le symbole élégant de fidélité conjugale.

Ce beau portrait de gentilhomme vaut aussi bien entendu par l’apparente décontraction qu’apporte l’élément central du costume : la robe de chambre. Loin des portraits officiels et austères, guerriers ou mythologiques, qui furent en vogue au XVIIe siècle, on note ici un tournant vers plus de simplicité, plus de naturel et une certaine nonchalance, une manière de pénétrer de dans l’intimité du modèle. Une manière qui deviendra la règle au siècle des Lumières et qui participera à l’illustration d’une certaine porosité de la haute société française qui deviendra plus tard le « Tout-Paris ». Ainsi, la robe de Chambre pourra indifféremment habiller aristocrates distingués, richissimes bourgeois, artistes, intellectuels (pensons au portrait célèbre de Diderot par  Louis-Michel Van Loo). À l’imitation des manteaux orientaux (caftans turcs et arméniens) l’usage de la robe de chambre s’est progressivement imposé à la faveur des modes exotiques importées à la cour du Roi Soleil par les ambassades et les produits importés par les grandes compagnies maritimes du temps. Et, si madame peut être représentée en négligé, monsieur peut alors l’être en robe de chambre. «  Il semble néanmoins que, contrairement à ce qu’induit son nom cette tenue ne se cantonne pas à la chambre. Le matin, le gentilhomme la conserve pour se raser et prendre son déjeuner (…). Le soir en rentrant chez lui, il la met parfois pour se reposer du port de l’habit plus étroit et plus rigide. Il peut ainsi se détendre à l’aise auprès de sa femme, au coin du feu, en savourant une tasse de chocolat » (Anne de Thoisy-Dallem).

 

Rémy Kerténian – directeur des affaires culturelles

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