(Marseille 1867 – Saint-Chamas 1952)

René SEYSSAUD

Paysan au travail, 1897

Huile sur toile

81 x 59 cm

Achat, 1990 – Inv. 990.10.3

 

René Seyssaud est un peintre provençal, précurseur du Fauvisme. Natif de Marseille mais d’origine vauclusienne, il suit dès l’âge de treize ans, un apprentissage à l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille. En 1885, il entre dans l’atelier de Pierre Grivolas à l’Ecole des Beaux-Arts d’Avignon. Des expositions successives à Paris (Salon de la Société des beaux-arts en 1893, Salon des Indépendants en 1894, Galerie Vollard en 1899, Galerie Berheim-Jeune de 1901 à 1910, Salon d’Automne à partir de 1904…) le révèlent à la critique comme un novateur.

Seyssaud est surtout connu pour ses natures mortes, ses paysages et ses figures de la vie paysanne. Il trouve son inspiration dans la Provence et plus particulièrement sur deux sites. Celui du Ventoux où il s’installe à Villes-sur-Auzon, un village du Vaucluse dans lequel se situent les fermes de sa famille. Là, il observe les paysages et les paysans dans leur travail. Le site de Saint-Chamas, près de l’étang de Berre, est sa deuxième source d’inspiration. Il y construit une maison en 1904, dans laquelle il demeure jusqu’à sa mort, et s’y établit avec sa femme, une paysanne qu’il a épousée en 1898. Toutefois, il n’abandonne pas ses origines vauclusiennes, gardant un pied-à-terre à Villes-sur-Auzon et ne manquant pas d’y faire de longs séjours chaque été.

Le Musée d’Art de Toulon conserve deux œuvres de l’artiste traitant des thèmes et sites chers à son cœur : Paysan au travail et L’Etang de Berre.

La représentation du paysan est très présente dans l’œuvre de Seyssaud ; il entretient des liens étroits avec eux, vivant à leur côté dans le Ventoux. Ce sujet en peinture n’est d’ailleurs pas inconnu à cette époque où se développent la Révolution Industrielle et ses conséquences sur le monde rural. Nombreux sont les artistes à représenter la vie paysanne et leur labeur en leur donnant une image plus réaliste. C’est le cas de Jean-François Millet (1814-1875) qui développe abondamment ce thème, montrant la souffrance de ces hommes dans l’accomplissement de leurs tâches rudes et fatigantes. Ses œuvres sont largement diffusées, marquant ainsi beaucoup d’artistes.

Seyssaud aime peindre sur le motif, posant son chevalet dans les champs, observant les paysans dans leur activité quotidienne.  Dans ses séries, il identifie les missions de chacun d’entre eux (laboureur, moissonneur, bêcheur….), les plaçant dans un monde qui semble ignorer les mutations en cours.

Dans cette œuvre, l’artiste représente un paysan au travail dans un paysage champêtre qui occupe les trois-quarts de la composition. La ligne d’horizon très haute rend le ciel presque inexistant et accentue ainsi la monumentalité de l’homme décrit au premier plan. Représenté de dos (une posture qu’affectionne grandement le peintre), le visage anonyme, il est dépourvu d’individualité. C’est la figure humaine dans l’effort physique qui intéresse particulièrement Seyssaud. En employant la courbe pour montrer le dos plié, il met  l’accent sur la position douloureuse dans laquelle est le campagnard en plein labeur ; ce qui n’est pas sans rappeler les paysans de Millet.  Seyssaud utilise une matière épaisse posée directement au tube créant ainsi des volumes comparables aux morceaux de terre. Les coups de brosse et de couteau créent le mouvement et montrent la difficulté du paysan à manier son outil précaire pour venir à bout de cette terre sèche de Provence.

Seyssaud, réputé comme un grand coloriste, utilise une palette vive aux couleurs fortes, associant couleurs primaires et secondaires pour construire la succession des plans et la profondeur de l’espace. De par l’usage de ces couleurs vives, la critique du Salon d’Automne de 1905 l’assimile aux artistes fauves (dont font partie Matisse, Camoin, Derain, Manguin…). Néanmoins, il n’expose pas avec eux dans la « Cage aux Fauves », cette salle qui fait scandale au début du XXe siècle, et ne s’associera jamais à ces artistes. Contrairement à eux, il n’utilise pas de couleur arbitraire. Il exagère seulement le coloris mais reste toujours fidèle à la nature, qualifié ainsi de précurseur au Fauvisme. En 1963, Charles Chassé écrit dans son ouvrage Les Fauves et leur temps : « Seyssaud n’a pas initié les Fauves. C’est lui qui leur a montré le chemin ».

Pour l’artiste, la couleur doit exprimer une émotion. La nature l’émerveille et ses toiles colorées expriment l’amour qu’il porte à  sa terre provençale. Il se réfère d’ailleurs à l’opinion de Cézanne qui disait « Peindre d’après nature, ce n’est pas copier l’objectif, c’est réaliser ses sensations ».

 

Lucie Barbier – Assistante de conservation du patrimoine

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