Éventail japonais
apon, Fin période Edo (Première moitié du XIXe siècle)
Encre et lavis sur soie
Démonté et encadré, 19,5 x 38 cm
Inv. : 965.2.21
L’éventail apparaît dès l’Antiquité en Chine et en Méditerranée et se limite alors à un écran avec un manche fixe. Selon une légende japonaise, un paysan aurait inventé au VIIe siècle le sensu, l’éventail pliant, qu’il aurait conçu après avoir observé les ailes d’une chauve-souris se plier et se déplier. Pendant la période Heian (794 – 1185), l’usage de l’éventail était réservé aux hommes et aux femmes de la haute cour. Objet d’identification sociale, le nombre de lattes en bois qui constituaient la monture de l’éventail était censé refléter le rang et le statut de son ou sa propriétaire. Son utilisation était même encadrée par une loi. Objet devenu indispensable à la noblesse japonaise et à la représentation de son pouvoir, il était donc fabriqué sur commande auprès d’artisans spécialisés. Ces derniers utilisaient des matières premières nobles, à savoir le cyprès japonais et des fils de soie. A la même époque, l’éventail devient également un accessoire artistique indispensable aux formes théâtrales (nô et Kabuki), littéraires (rakugo) ou à la danse traditionnelle. Pendant la période Edo (1603 – 1868), l’usage de l’éventail japonais se répand dans toutes les autres classes sociales et le Japon en exportera en Occident à la fin de cette période.
Le décor de ce sensu est une peinture, réalisée sur un support en soie. La peinture sur éventail pliant est désignée par le terme senmen.
La morphologie et la petite taille de l’oiseau huppé nous empêchent de l’identifier à un faisan. Le faisan est habituellement associé au deuxième mois, conjointement aux fleurs de cerisiers. Ces dernières sont pourtant bien présentes sur ce senmen.
La composition de ces fleurs, en lavis de rose et de grenat, évoque dès lors le début du printemps. Les représentations de ce type, alliant le végétal et le monde animalier sont désignées, selon cette tradition picturale d’origine chinoise, par l’appellation « fleurs et oiseaux ».
Les senmen, comme les kakémono, représentent très souvent une saison, un mois de l’année, une festivité. Ces peintures naturalistes développent un riche langage métaphorique purement japonais hérité des traditions littéraires japonaises. La forme poétique waka dont le plus éminent poète est Fujiwara Teika (XIIe siècle) sert souvent à expliquer et conceptualiser ces représentations. Teika définissait pour ses waka l’expression « variations allusives ». Elle fut réutilisée durant la période Edo pour désigner la symbolique des senmen. Les artistes de la période Edo se sont efforcés de développer une vertu artistique, devenue par leur continuité une valeur séculaire. La définition de cette vertu, éthique et esthétique, serait une innovation picturale (estampes, senmen, kakémono, peinture, dessin) s’inscrivant sur une continuité artistique, philosophique et populaire (l’empire, l’encre, sérigraphie, shinto, bouddhisme, yokai, kami). Oeuvres uniquement décoratives pour les occidentaux, les peintures de « Fleurs et oiseaux » sont surtout le reflet, en Extrême-Orient, d’une maîtrise technique raffinée. Cette valeur plastique est visible par la miniaturisation des morphologies du monde animalier. Le thème, esthétiquement parlant, est toujours traité avec raffinement et précision. La technique aide alors à créer le merveilleux et illustre un rapport bienveillant à la nature. Cette expertise naturaliste a attiré les occidentaux au XIXe siècle et a été un des thèmes majeurs du développement du japonisme en Europe.
Cette oeuvre est une pièce importante de la collection japonaise de la ville de Toulon. Ces objets appartiennent en très grande majorité à la période Edo et constituent une collection en lien avec les thématiques classiques (arts décoratifs, objets usuels, théâtre, objets de culte) et les matériaux typiques (papier de soie, bronze, céramique, bois et ivoire) de cette période.
Frédéric Pédron - responsable du Musée des Arts Asiatiques