(Toulon, 1810 – id., 1893)

Vincent Courdouan

Vue d’Alexandrie, 1868

Huile sur toile, 38,5 x64cm

Legs Iborra, 2000

Inv. : 2000.1.2

 

Tout au long du XIXe siècle, l'attrait pour l'Orient reste un des thèmes majeurs tant en littérature, qu’en musique et bien entendu dans le domaine des beaux-arts.  Nouvelle source d'inspiration, l'Orient se révèle aux artistes comme un ensemble de lumières, de couleurs, de contrastes. Forts de la découverte pittoresque des scènes de la vie quotidienne et des coutumes orientales, de la mise en évidence d'une lumière violente et de couleurs éclatantes, les artistes manifestent leur désir de noter et de transcrire les "images" observées. Au moyen de dessins ou d'aquarelles ils s'attachent à donner des témoignages précis de leurs observations sous forme de carnets de croquis ou de journaux intimes illustrés, qui seront repris en atelier dès leur retour en France. L'Orient devient réalité et sera saisi chez certains avec une précision photographique, chez d'autres de façon plus imagée et personnelle. D'une manière générale les peintres orientalistes découvrent la lumière et se confrontent au problème de sa transcription sur la toile. Pour les peintres du midi, le problème ne semble pas se poser. Les peintres orientalistes marseillais ou toulonnais, habitués déjà à reproduire sur leur toile les lumières méridionales, recherchent plus l'évasion, le pittoresque et la possibilité, à travers le thème de l'Orient, de laisser "éclater" la couleur. Ainsi Brest, Chataud, Crapelet, Huguet, Magy, Tournemine visitent indifféremment l'Algérie, l'Égypte, la Turquie ... La peinture orientaliste ne laisse pas Courdouan indifférent. De 1847 à 1873 il présente aux Salons de Paris, Marseille, Lyon, Toulon, Bordeaux, des œuvres sur ce thème, plus fréquemment entre 1853 et 1856 et entre 1868 et 1873. Deux voyages suffirent pour mémoriser des sujets orientaux qu'il utilise jusque dans les années 1890.

L'Algérie impressionne les voyageurs par son caractère, son architecture pittoresque, ses scènes originales (marchés, caravanes ...). Pour Théophile Gautier (abécédaire du salon 1861) "le voyage d'Algérie devient pour les peintres aussi indispensable que le pèlerinage en Italie. Ils vont là apprendre le soleil, étudier la lumière, chercher des types originaux, des moeurs, des attitudes primitives et bibliques". Vernet, Delacroix, Decamp avaient déjà apporté au public français la vision de ce pays. En 1847 Courdouan s'embarque sur le Labrador et visite Sidi Ferruch, la vallée d'El-Biar. Son carnet de bord relate cette excursion.

L’Égypte est le pays le plus fréquenté par les peintres depuis la célèbre campagne de Bonaparte. Dès le règne de Méhémet Ali, beaucoup de Provençaux sont des collaborateurs précieux, entrés au service du Pacha. Les maisons de commerce et banques marseillaises sont également très présentes à Alexandrie. Et l’aventure du canal de Suez viendra renforcer ces liens. Les artistes trouvent en Égypte un climat agréable, une population avenante, mais surtout, de la Vallée du Nil au désert, une source inépuisable de sujets. Alexandrie, un des premiers ports de la Méditerranée, le Nil tacheté de voiles blanches et le désert constituent la plus grande source d'inspiration. En 1866 la Compagnie des forges et chantiers de la Méditerranée doit livrer au vice-roi d'Égypte un navire qui venait d'être construit à la Seyne-sur-Mer. Courdouan, connu pour avoir réalisé les décorations pour différents paquebots de cette compagnie, est invité à faire le voyage avec le directeur Armand Béhic. Après un séjour de trois mois, l'artiste revient avec une magnifique collection de paysages éblouissants. C'est l'occasion, l'année suivante, de présenter au Salon de Paris de 1867 huit tableaux orientalistes avec des vues du bord du Nil, la pyramide de Guizèh, des paysages de désert, des couchers de soleil. A Alexandrie, Courdouan peut visiter ce port et un peu plus tard se rend au Caire. Les bords du Nil semblent avoir particulièrement séduit l'artiste. Les vues d'Alexandrie, les felouques amarrées sont des sujets courants, travaillés au pastel ainsi qu'à l'huile. Comme Fromentin, qui découvre l'Égypte en 1869, Courdouan paraît impressionné par le ciel égyptien et les eaux du Nil. Il retient les effets changeants de couleur et de lumière, positionne quelques personnages venant animés les scènes. Ici, dans la douce atmosphère, les minarets graciles se détachent avec élégance dans un ciel irisé, alors que le soleil lèche de ses rayons le fort de l’île de Pharos, lieu mythique s’il en est.

Plus de vingt ans après les voyages en Algérie et en Égypte, Courdouan continue à puiser dans ses souvenirs et ses carnets, exécutant des variantes de ses plus belles toiles.

Brigitte Gaillard – conservateur en chef des musées de Toulon.

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