Ivoire sculpté

16 x 10 cm

Ceylan - XVIII^e siècle

Legs Fauverge de French

Inv. : 961.3.199

Yashi et Ashoka

Ce peigne sculpté en ivoire comprend des traces de polychromie rouge, verte et orange. Au centre du décor en losange, une Yaksi. Cette créature semi-divine est assise en lotus, les bras pliés avec les mains s’accrochant aux branches d’un arbre fleuri. Sa représentation correspond à la description traditionnelle à savoir : des hanches et des épaules larges, une taille mince et des seins opulents. Esprit lié à la nature, à la fertilité et à la richesse, la Yaksi a été vénérée en Inde dans les cultes animistes puis intégrée à l’hindouisme. Un arbre est associé à sa représentation l’ashoka (sans chagrin). Il est présent en Inde du Nord, à Ceylan et dans les régions himalayennes. Sur le peigne, il est identifiable par ses fleurs disposées en grappes et à leurs longues étamines naturellement rouges. Cet arbre sacré est lié à la naissance de Bouddha. Sa mère Maya se serait accroché à cet arbre pour mettre au  monde le futur Bouddha à Lumbini (Népal). Il est également l’attribut du Dieu de l’amour, Kama Deva, chez les hindous.

Un peigne réservé aux femmes

Ce peigne était utilisé par les femmes, il était très important pour l’entretien de leurs cheveux. 

L'explorateur français Emile Deschamps, dans son carnet de voyage consacré à l'île de Ceylan, édité en 1892, explique et illustre l'utilisation usuelle de cet objet : « Dans leur moment de loisir, une de leur principales occupations est de se prêter une aide mutuel pour débarrasser la tête de la vermine. 

Mères, filles, parentes, tour à tour se passent la main et les doigts fouillent de luxuriantes et noires chevelures. (…)

Après cette opération, elles se lavent la tête à grande eau, oignent leurs cheveux avec de l’huile de coco, les lissent au peigne et font le chignon très soigneusement. 

Cette toilette de la tête est pour elles d’une grande importance ; elles s’y livrent avec plaisir, car elles savent combien la beauté des cheveux tient de place dans les goûts de leurs maris et amants. »

(Emile Deschamps, Au pays des Veddas, Ceylan : carnet d'un voyageur, Emile Deschamps, Paris, Société d'Editions Scientifiques, 1892, pages 149 à 152).

L'ivoire de Ceylan, qualité et symbole.

Comprendre cet objet passe par l'étude de son mode de fabrication et par l'explication du choix de la matière utilisée. Bien entendu, au XVIII^e siècle, le concept de préservation des espèces en voie de disparition n'existe pas et le choix de l'ivoire se justifiait. L’ivoire de Ceylan était connu pour sa très grande qualité et pour sa couleur blanche reconnue comme la plus claire. Avec le temps, cette spécificité d’origine s’atténue, l’objet jaunit. ​Dans la religion hindoue l’éléphant est omniprésent, de Ganesha à sa fonction de monture des dieux (Indra) et des rois. Sa place dans l’hagiographie bouddhique, est primordiale. C’est un éléphant à six défenses qui pénétra le sein de Maya, la mère du futur Bouddha. Il est le symbole de la connaissance, de la paix et de la puissance, comme l’établit l’adage populaire indien «la puissance de l’éléphant donne à ceux qui l’invoquent tout ce qu’ils peuvent désirer.»

Frédéric Pédron – responsable du Musée des Arts Asiatiques