Vincent Bioulès
L’Ile Maïre II
Septembre 1994 – mars 1995
Huile sur Toile, 210 x 310 cm
Don de l’Association pour les Musée de Toulon, avec l’aide du F.R.A.M., 1995.
Inv. : 996.5.15
C’est à l’occasion d’une grande exposition monographique de l’artiste au Musée d’Art de Toulon, que l’Association pour les Musées a pu faire l’acquisition de cette œuvre magistrale auprès de la galerie Athanor à Marseille, avec le soutien du Fonds Régional d’Acquisition des Musées, afin d’en faire don à la Ville.
Vincent Bioulès se forme à la fin des années 1950 aux Beaux-Arts de Montpellier. En 1961, on le retrouve à Paris où il fréquente l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts. Il se lie avec Pierre Buraglio et Michel Parmentier, artistes dont le Musée d’Art de Toulon, possèdent également des œuvres. En 1970, il est l’un des fondateurs du groupe Supports/Surfaces. Il en crée le nom même. Courant abstrait et contestataire, Supports/ Surfaces précise que la peinture vaut pour la peinture elle-même et offre une critique radicale des images. Les oeuvres sont neutres, sans référence à une quelconque expressivité, sans lyrisme, sans citation autobiographique de son auteur. Pourtant, c’est au cours de la décennie que Vincent Bioulès revient à la figuration, par le biais du paysage, du portrait et du nu.
Dans les années 1990 il effectue plusieurs séjours à Marseille dans un atelier de la villa Bianco. Va naître ici une série de toiles monumentales sur le quartier des Catalans, l’entrée du Vieux Port, Saint-Henri et l’île de Maïre… Un des bouts du monde de la cité phocéenne. L’Ile de Maïre, antique Immadras positio de l’Itinéraire Antonin, est un site déjà présent dans la peinture de l’école provençale de paysage au XIXe siècle. Mais, Bioulès va offrir à ce lieu dit une monumentalité toute nouvelle, une vision romantique, sublime et quasi mythique.
« J’étais sur le Finistère de quelque chose et commençait un autre monde. Pour moi c’était, au fond, un monde des mythes grecs… C’est l’île de Calypso, à la fois grandiose, fascinante, dangereuse, où rien ne pousse. Il paraît qu’elle est infestée de rats… Il y a le mythe de l’île heureuse, Cythère, et celui de l’île des morts. Là, c’est l’île des mythes méditerranéens, où l’homme va s’affronter, rencontrer le Minotaure ou une nymphe, qui va le pervertir, l’arracher aux siens… Ce rocher dans sa solitude, c’est comme une énorme matière brute ; une sorte de météorite, qui serait tombée comme Zeus, qui jette l’Omphalos à Delphes en disant : voici le centre du monde ». (Vincent Bioulès, parcours 1965 – 1995, catalogue e l’exposition du Musée d’Art de Toulon, 1995)
Sentiment de solitude, blancheur accablante, intensité du bleu, recherche toute cézanienne d’une sorte d’intemporalité essentielle du motif… telles sont les caractéristiques les plus marquantes de cette toile. Ces éléments se trouvent renforcés par la présence incongrue de la voiture, moderne vanité, symbole contemporain d’une civilisation faillible devant les forces telluriques. Les frêles silhouettes d’un couple contemplatif face à un paysage, qui les dépasse, ajoutent à cette sensation de vacuité. Et que dire de la minuscule barque passant entre l’île et la côte, dans une passe étroite aux courants sauvages, où à tout moment Charybde et Scylla risquent d’apparaître pour tout engloutir.
Rémy Kerténian – Directeur des Affaires Culturelles