Panthaka
Terre cuite peinte
13,2 x 4,3 cm.
Japon - fin période Edo (XIXe siècle)
Legs Hippolyte Fauverge de French
inv. : 961.3.159
Cette figurine a appartenu à Hippolyte Fauverge de French, elle a intégré les collections toulonnaises en 1961. A l’étude de sa donation et en particulier de ses objets bouddhiques, on identifie le collectionneur comme un esthète et surtout un fin connaisseur de l’histoire et des religions de l’Extrême-Orient. L’analyse suivante en est une preuve supplémentaire.
Arhat, les saints ascètes
Le bouddhisme repose sur trois « joyaux » : le Bouddha, la loi (dharma) et la communauté (sangha).
Au sein de la communauté, le disciple « prend refuge ». La vénération de la communauté est l’une des règles permettant à la loi bouddhique de se transmettre et de perdurer.
La tradition consacrée à la communauté définit « trois ordres » de disciples :
1- Les disciples communs, théra.
2- Les moines et nonnes de la communauté conventionnelle, bhikshu et bhikshuni,
3- Les moines et les nonnes de la communauté ayant atteint l’état d’arhat.
Le terme arhat se traduit par l’expression « celui qui mérite d’être honoré ». Il se différencie des autres disciples par son détachement total, par sa vertu, sa sagesse et ses connaissances transcendantales de ses renaissances successives. Ainsi l’arhat possède les qualités intellectuelles qui lui permettent d’atteindre l’éveil. Les arhat les plus vénérés par les bouddhistes sont les disciples personnels (shravaka) de Bouddha. Parmi eux, existe un sous-ensemble constitué des « grands disciples » qui ont vécu avec Bouddha. Ils sont des saints ascètes qui à la mort du Bouddha ont reçu l'ordre de rester dans ce monde en tant que témoins et enseignants de la loi.
En Chine, leur représentations apparaissent au VIe siècle, ils prennent position à côté de Bouddha, celui-ci est au centre, deux arhat et deux bodhisattva l’accompagnent. La tradition évolue vers le VIIe siècle après la rédaction de « La relation sur la Durée de la Loi » dictée par le grand arhat Nandimitra. Ce texte énonce comment le Bouddha, avant d’entrer dans le nirvana, a chargé Seize arhat de protéger, de perpétuer et de diffuser son enseignement. Les sources, les traditions et les civilisations révèlent que le nombre des disciples varient selon les groupes de 16 à 18 ou voire jusqu’à 500. Les objets de culte, peintures, dessins et sculptures vont alors se multiplier ainsi que les textes et autres récits hagiographiques.
Panthaka, l’arhat au bol et au dragon.
La figurine en terre cuite peinte est du XIXe siècle. Un moule unique a été utilisé pour sa fabrication, elle a été peinte de trois couleurs : en noir, brun et rouge. L’objet représente un moine bouddhiste, son crâne rasé et sa robe le désignent en tant que tel. Il est assis sur un rocher son corps est émacié, sa robe rouge est en loque. Son visage est marqué par des sourcils broussailleux et par une bouche grande ouverte donnant l’impression que le personnage crie ou rie à gorge déployée. Il tient et nous présente son patra, le bol qui lui sert à mendier sa nourriture, mais ici du patra sort un dragon. Le bol et le dragon sont les symboles qui identifient le personnage en tant que Panthaka, du groupe iconique des Seize arhat. Sur les peintures, il est très souvent associé à son frère Chudapanthaka, membre de ce même groupe.
Cet objet est peut être un élément d’un ensemble plus important, comprenant Bouddha et le groupe des seize arhat puis incorporés à un décor comme cela est le cas pour le Monju Juuroku-rakan mandara, le Mandala de Manjushri au seize arhat du Musée Guimet.
L’arhat Panthaka (en sanskrit), est également appelé Patka, Mahapanthaka, Mahaculla ou encore Handaka Sonja au Japon. Les arhat, lorsqu'ils sont individualisés dans des séries de seize ou dix-huit figures, portent tous des noms indiens (sanskrit). L’hagiographie présente Panthaka comme un enseignant apprécié et un érudit accompli. Elle nous explique que durant son cheminement intellectuel Panthaka rencontre un moine. Ebloui et convaincu par le message bouddhique, il demande l'ordination, afin d’étudier et de méditer la loi. Il atteint très rapidement le statut d’arhat. Son rôle est donc d’aider ceux qui souhaitent étudier, pratiquer et méditer les enseignements du Bouddha.
Notre statuette est typiquement japonaise. Dans ce pays, sur les peintures, les statuettes ou la sculpture de netsuke, il est généralement représenté avec ces deux attributs. Pour comparaison, en Chine il est présenté avec sa main gauche faisant le mudra (position de la main) d'enseignement et sa droite portant un livre. Le culte des arhat (rakan en japonais) est important au Japon, il est lié à partir du XIIe siècle au développement des écoles du bouddhismes zen. Les images d’arhat, importées de Chine, étaient conservées pieusement dans les monastères japonais et servaient aux dévotions. En 1690, l’encyclopédie illustrée du bouddhisme Butsuzo zui, édite pour la première fois au Japon une liste et des illustrations des seize arhat. Cet ouvrage devient dès lors une référence. Panthaka y est représenté avec bol et dragon.
Les peintres de la période Edo (1615-1868), période de création de l’objet, le représente également. En 1820, année du Dragon, Hiroshige dessine Panthaka sur une carte de voeux (surimono) aujourd’hui conservée par le Metropolitan Museum de New-York.
Frédéric Pédron – responsable du Musée des Arts Asiatiques