Léon Vérane éditeur

L’activité éditoriale de Léon Vérane est, le plus souvent, perçue comme une action unique avec l’édition, à Toulon, de sa revue Les Facettes. Elle se présente en réalité de façon plus complexe et plus riche. En effet, la dénomination « Les Facettes » désigne non seulement la revue de poésie éponyme, mais aussi une structure éditoriale qui fait paraître plusieurs types de recueils pouvant être classés en quatre catégories.
 

Une revue, Les Facettes
 

Notre dernier inventaire fait état de plus de soixante numéros, parus dans la première moitié du XXème siècle, puisque le premier est publié en octobre 1910 et le dernier en octobre 1946, avec trois interruptions (1915-1917, 1929-1930 et 1933-1944). Ainsi, la revue constitue un panorama de la création poétique de cette période. 
C’est ce que suggère son sous titrage désigné d’abord par Vérane comme un « Cahier trimestriel de poésie », puis « Cahier de poésie ». Il la nomme ensuite « Anthologie de la poésie contemporaine » ou « Revue anthologique de la poésie contemporaine ». Enfin, après la Libération, il la transforme en « Album de Poësie paraissant quatre fois l’an » et accompagne les poèmes de belles illustrations, dessins ou bois gravés, recherchant un dialogue entre l’image et les mots, plaçant ainsi la poésie dans une perspective plastique.
 

Des numéros hors série des Facettes 
consacrés plus particulièrement à un poète ou à la poésie « Fantaisiste »

 

Dans le cadre de cette revue, Vérane publie un certain nombre de numéros hors série. Il s’agit alors de recueils originaux, faisant découvrir de longs poèmes inédits, tels La Licorne, par Marius Martin (automne 1911), L’Offrande à l’année ou Les douze Eros, par Marcel Prouille (janvier 1912) et la Fête des fous, par Michel Puy (avril 1912).

Sous une autre forme encore, des numéros spéciaux mettent à l’honneur un poète en offrant un choix de ses pièces et en les accompagnant d’illustrations, de commentaires critiques ou d’hommages rimés. Ainsi, Vérane édite successivement, en septembre 1922, Vincent Muselli (dessin de J.-G. Goulevat, sonnet de Léon Vérane, étude de Maxime Girieud) ; en avril 1923, Maurice du Plessys (introduction par Henry Charpentier) ; en février 1925, Albert Flad (avant dire d’André Gaillard, dessin d’Henri Olive) ; en avril 1925, Marcel Ormoy (frontispice en vers de Léon Vérane) ; en juillet 1926, Edouard Marye (pointe sèche de Jean Bernard, odelette de Léon Vérane) ; en janvier 1928, Maurice Chevrier (dessin de Pierre Bonnard, odelette de Léon Vérane) ; en avril 1928, André Berry et en juin 1928, Guy Robert du Costal (dessin de Roger Wild, odelette liminaire de Léon Vérane, présentation de Vincent Muselli).

Parmi ces numéros des Facettes, deux sont plus particulièrement consacrés à l’art des « poètes fantaisistes ». L’un est une anthologie intitulée Indépendants et Fantaisistes (mai 1913). L’autre est une étude critique de Paul Martignon (Les Poètes Fantaisistes, août 1920).

 
Des recueils de poèmes
 

Les Facettes sont aussi pour Vérane une véritable structure éditoriale. C’est sans aucun doute l’aspect le plus singulier et le moins connu : nous découvrons en effet un éditeur de poésie, très attentif à la présentation de ses publications.

Si nous avons répertorié onze ouvrages de cette nature publiés aux « Editions des Facettes », il reste encore beaucoup à découvrir comme le montre le dernier document que nous avons trouvé. Cette plaquette de format carré (19.5x19.5), éditée hors commerce, est non datée. Elle présente des poésies posthumes de Régis Pavin de Lafarge, sous le titre Des mots, des simples mots. Les dix autres publications peuvent être datées et situées dans leur contexte.

En 1926, Vérane fait paraître deux ouvrages fort différents. Le premier met en valeur une figure déjà ancienne de la scène parisienne, passée du Symbolisme à l’Ecole romane de Moréas, Raymond de la Tailhède (né en 1867). Et l’on attend son Poème d’Orphée depuis plusieurs années. Vérane le publie aux Facettes, avec Le Chœur des Océanides, dans un recueil orné de trois eaux-fortes d’Othon Coubine. 
Avec le second, Fards pour notre jeunesse, on découvre les premiers vers du jeune Léon-Gabriel Gros (21 ans), un poète qui s’illustrera par la suite comme traducteur et comme critique, écrivant notamment aux Cahiers du Sud, puis à Sud, en fin connaisseur de la création poétique du XXème siècle.

En 1927, Vérane publie Le Thyrse irrité du Suisse Charles d’Eternod. Cet important ouvrage en vers de 129 pages, accompagné d’un portrait de l’auteur par Branimir Pétrović, est fabriqué à Annemasse chez l’imprimeur A. Granchamp. Vérane éditera encore deux ouvrages de ce poète : en 1929, Regards, essai, à la couverture multicolore, et en 1930, De 37° à 40°Poèmes, avec des illustrations de Branimir Pétrović.

La Danseusepoëme, est un recueil non daté, mais il peut être situé en 1928. Il se présente avec une couverture illustrée et deux hors textes de Valère Bernard. L’auteur est Claude Balyne, pseudonyme de Jean Picard, sous-préfet à Orange. Ce poète, présent par ailleurs dans la revueLes Facettes, compagnon de Marceline Henry, (la propriétaire de Port-Cros, villégiature de la NRF), écrira L’Ile fée. Port Cros en Méditerranée, édité chez Gallimard, l’année suivante.

L’ouvrage de Georges Heitz, Ecrit sur le sable, suivi du Poème des saisons et des aveux, (1928), est un recueil de 177 pages, imprimé à Niort, chez P. Nicolas, pour le compte des Editions des Facettes, à Toulon. Vérane a voulu rendre un hommage à cet auteur disparu précocement car, la même année, un poète ami de Vérane et familier des Facettes, Marcel Ormoy, publie à son tour aux éditions de l’Ermitage : Stèle pour un jeune poète, in memoriam, Georges Heitz.

En 1932, Vérane édite l’un des premiers recueils de Violette Rieder, une poétesse qu’il accueille dans Les Facettes depuis 1923 et qui sera présente encore dans sa revue jusqu’en 1946. Accompagné d’un dessin hors texte de G. Pastré, Ciels comprend une quarantaine de pièces dont l’inspiration, marquée par une couleur féminine délicate, vogue entre le rêve et une sensualité aux accents mystiques.

En 1935, paraît un Choix de poèmes de José Mange, en français et en provençal. Dans la préface, il reprend la conférence qu’il a donnée, le 23 février 1935, à l’occasion d’une exposition à la galerie Le Trident, à Toulon, en hommage à ce peintre et poète qui venait de mourir.

En 1938, Silences, propose 23 poèmes de forme libre d’André Caselli. Ce recueil des Facettes  se situe entre deux ouvrages de cet auteur publiés chez Denoël (en 1937, Les Fleurs de la solitudeavec une lettre-préface de Paul Valéry et en 1939, Le Miroir de Psyché). L’expression est celle d’un jeune cœur qui dit ses peines, ses joies et ses émois devant un regard de jeune fille, une nuit étoilée, une plage ensoleillée (« La plage d’Argent » à Porquerolles).
 

   Ses propres recueils

Vérane édite aux Facettes ses propres recueils de poésie ou même ses études. On relève ainsi jusqu’à la Grande Guerre : Terre de Songe (1911), Dans le Jardin des Lys et des Verveines rouges(1913) et La Gardeuse de paons (1917) ; dans l’entre-deux-guerres : Images au jardin (1921), Le Promenoir des Amis. Pièces complémentaires (1925), Bellaud de la Bellaudière (1927), Bars(1928) et Les Etoiles noires (1932) ; enfin sa dernière publication Avec un BilboquetPoèmes.(1954).
 

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