Dans les trois tours de leur destin
Les trois princesses sont captives.
Celle qui sera reine, en la haute tour d’or,
Le soir, file en chantant des laines écarlates.
Celle qui sera nonne, en la tour d’argent clair,
File, candidement, des laines d’aube tendre.
Et dans la tour de fer, celle qui doit souffrir,
D’un geste indifférent, file le chanvre rude.
Mais des trois tours de leur destin,
Elles s’ignorent les captives !
En octobre 1910, Léon Vérane publie pour la première fois « Les trois Tours » dans sa revue Les Facettes. Par la suite, ce poème paraîtra dans trois de ses recueils, Terre de Songe, Le Promenoir des Amis et Le Livre des Passe-Temps [1], le plus souvent en place liminaire. C’est dire toute l’importance qu’il pouvait lui accorder.
Les trois princesses font penser aux trois Parques. Plus puissantes que les Dieux, filles impitoyables de la Nuit, sœurs de l’inexorable Destin, Klôtho, la fileuse, Lachesis, le sort et Atropos, l’inflexible, sont les maîtresses du tissage. Elles sont aussi celles du mouvement, des rythmes et des phases. « Les trois Tours » de Vérane présentent les trois âges d’un cycle : l’or, l’argent et le fer. Et par image, nous entrevoyons le destin du poète. Son âge d’or – objet de notre étude – ira jusqu’à la Grande Guerre. Son âge d’argent s’écoulera dans l’entre-deux-guerres et il aura son âge de fer durant les années quarante.
Nous nous trouvons pleinement dans un univers allégorique avec ce poème que nous qualifions d’autant mieux de symboliste que le dédicataire en est Henri de Régnier, une référence pour Vérane, un modèle, un exemple à suivre, un paradigme. Il est celui qui a connu Verlaine et Mallarmé, celui qui a participé au mouvement symboliste et qui contribue, maintenant, au goût du temps. Demain, en 1911, il sera membre de l’Académie française.
Pour les adolescents – qui, comme Vérane, ont une quinzaine d’années au début du XXe siècle, – la découverte des poètes symbolistes se fait notamment grâce à un ouvrage intitulé Poètes d’aujourd’hui de Ad. Van Bever et Paul Léautaud [2]. C’est sans doute là qu’ils s’ouvrent à la poésie de Régnier, comme à celle de Pierre Quillard auquel Vérane dédie un poème dans la livraison des Facettes d’octobre 1910, « Le Roi vaincu ».
Au heurt des lourds béliers d’airain
Mes tours ont croulé pierre à pierre
Et la ville est un cimetière
Où jadis je fus souverain.
Après Henri de Régnier et Pierre Quillard, on pourrait être surpris de ne pas trouver d’hommage à un autre poète symboliste majeur, Stuart Merrill, considéré habituellement comme le maître de Vérane. En réalité cette mention existe, mais elle est de Marius Martin dans un texte intitulé « La Princesse ». Ce ne sera qu’au trimestre suivant, dans le numéro de janvier 1911, que Vérane consacrera à l’américain "Le Gnome surpris".
Et le Gnome qui suit son caprice fantasque
Dans l’ombre n’a pas vu, surgir près de la vasque
Le page de la reine au toquet de velours.
Ainsi, Les Facettes montrent, au travers des dédicaces, que Vérane naît à la poésie grâce au symbolisme et laissent entrevoir l’âge d’or d’un poète de vingt ans. Léon Vérane nous a légué Les Facettes. Aujourd’hui Les Facettes peuvent nous révéler Vérane et, pour une part, la vie poétique de son époque.
Les poètes des Facettes
D’octobre 1910 à juin 1914, en moins de quatre années, Léon Vérane fera paraître seize numéros de la revue sous-titrée « Cahier trimestriel de poésie », dont trois hors séries sont consacrés à un seul auteur. Il s’agit de Marius Martin, à l’automne 1911, de Marcel Prouille, qui signera bientôt sous le pseudonyme de Marcel Ormoy, en janvier 1912 et de Michel Puy, en avril 1912.
Au total, ce sont plus de deux cent trente poèmes – sans compter les hors séries – qui seront publiés par une centaine de poètes. Certains sont ou deviendront également romanciers. C’est le cas de Francis Carco, de Jean Pellerin, d’André Salmon et de Paul-Jean Toulet. Alphonse-Marius Gossez et Edmond Pilon sont déjà connus pour leurs essais, Henri Gounelle pour ses articles critiques, Louis Payen et Jean-Louis Vaudoyer pour leurs pièces de théâtre.
Citons également Lucien Christophe, qui est belge et Valère-Bernard, provençal. Son poème « Lou vas d’esmaut » est publié en lengo nostro dans le numéro de novembre 1912.
Relevons aussi la présence d’une demi douzaine de poétesses [3]et de quelques inconnus, d’autant plus difficiles à identifier [4] que l’on a peut-être affaire à des pseudonymes comme cela était fréquent à l’époque [5].
L’important, semble-t-il, est de savoir comment situer ces poètes par rapport à Léon Vérane qui est un jeune homme de vingt-trois ans en 1910. Aussi, distinguerons-nous trois catégories : les « anciens », les « aînés » et ceux de la « génération de Vérane ».
Les « anciens », nés sous le Second-Empire, ont quarante ans et plus en 1910. Parmi eux, figurent l’un des derniers Parnassiens, Sébastien-Charles Leconte (né en 1860), ainsi qu’un symboliste, fidèle tenant de la doctrine ésotérique, Victor-Emile Michelet (1861). On compte aussi un proche d’Henri de Régnier, Fernand Mazade (1863), le poète cultivateur Philéas Lebesgue (1869) ou encore un adepte de la théorie « intégraliste », Léonce Cubelier de Bénac (1869). Et bien sûr, celui qui sera le phare des « Fantaisistes » : Paul-Jean Toulet (1867).
Les « aînés » ont entre cinq et quinze ans de plus que Vérane. Les plus âgés d’entre eux sont nés au début des années 1870. C’est le cas de Fagus et de Louis Mandin (1872), de Charles Dornier, d’André Foulon de Vaulx, de Fernand Gregh, de Georges Périn, d’Edmond Rocher, de Frédéric Saisset (1873) ou encore de Tristan Klingsor et d’Edmond Pilon (1874). Les plus jeunes du groupe ont vingt ans au début du siècle alors que Vérane n’en a que treize. Il s’agit de Vincent Muselli, Léon Deubel, Daniel Thaly (1879) ; de Guillaume Apollinaire, Edouard Gazanion, Claudien (1880) ; de Jean-Marc Bernard, André Salmon, Touny-Lérys (1881). En 1910, la plupart seront des poètes connus.
Par « génération de Vérane », nous entendons des poètes nés quelques années avant et après Léon Vérane. En fait, ce sont les derniers auteurs qui se sont fait connaître avant la Grande Guerre. Lors de la création des Facettes, donc au début de l’activité poétique de Vérane, bon nombre d’entre eux avait déjà écrit un ou plusieurs recueils. C’est le cas de Jean-Louis Vaudoyer et de Nicolas Beauduin (1883) ; de Georges Gaudion (1885) qui a fait paraître l’essentiel de son œuvre ; d’Emile Henriot, de Tristan Derème (1889), de Gabriel-Joseph Gros (1890) et de Lucien Christophe (1891). Quant aux plus jeunes, ceux qui ont entre dix-sept et dix-neuf ans, comme Marcel Prouille (1891), Albert-Jean, Olivier Bag, Henri Dérieux ou Louis Pize (1892), ils commencent à publier leurs poèmes dans des périodiques dont ils sont parfois les fondateurs.
En effet, « il faut des revues à tous ces jeunes gens que la gloire littéraire attire ; ils ont de plus en plus besoin de petites publications où ils puissent être accueillis, se grouper, commencer à se faire connaître, afin de forcer ensuite les portes des journaux, des éditeurs [6]. C’est ce que fait Gabriel-Tristan Franconi (1887) qui fonde à Paris, en 1908, une revue mensuelle La Foire aux Chimères, avec notamment Banville d’Hostel et André Colomer. L’année suivante, Nicolas Beauduin lance à son tour, dans la capitale, Les Rubriques Nouvelles et Henri Dérieux, L’Art Libre, à Lyon. Tristan Derème façonne Hélios et L’Oliphant ; Francis Carco participe à la création d’Horéal à Nice, de Pan à Montpellier, puis fait paraître l’unique numéro des Petites Feuilles à Grenoble. Et à Toulon, s’inscrivant dans cette dynamique, Léon Vérane crée Les Facettes.
Malgré un rythme de parution irrégulier, la revue toulonnaise a connu une longévité hors du commun par rapport à la durée de vie, très souvent éphémère, de ce type de publication. Elle paraît en effet jusqu’en 1946, faisant connaître des vers inédits d’environ un tiers des poètes [7] nés, pour la plupart, au cours des dernières décennies du XIXe siècle.
Ce tour d’horizon montre que Les Facettes ont été le soutien d’une partie de l’expression poétique de leur époque et que leur fondateur occupe une place importante dans le paysage littéraire français, d’autant plus que sa structure éditoriale – qui se nomme aussi Les Facettes - subsistera jusqu’en 1954, date de la parution du dernier ouvrage de Vérane, Avec un Bilboquet, publié à Solliès-Pont.
Bien plus que d’une volonté, il s’agit là d’une réelle identification : Les Facettes, c’est Vérane et Vérane, c’est Les Facettes.
Le flou des origines
Que savons-nous de Léon Vérane ? De ses études ? De son service militaire ? De son entrée dans la vie professionnelle ? De ses débuts poétiques ?
Autant de questions, autant d’incertitudes. Les critiques littéraires sont évasifs sur cette période, ils s’appuient surtout sur sa bibliographie, donnent des dates variables et parlent de « fantaisie », fantaisie poétique, fantaisie de Vérane. En fait, nous sommes dans un flou, le flou des origines.
Il semblerait que sa vie littéraire commence vers 1905-1906, en tant que « secrétaire » de Stuart Merrill, à l’âge de dix-neuf ans environ. Ce qui laisse supposer que le jeune homme, après son baccalauréat, fait des études supérieures à Paris, participe à l’effervescence artistique, rencontre Stuart Merrill et assure momentanément son secrétariat.
Cela paraît plausible. Cependant, si Marjorie Louise Henry [8], dans sa thèse sur Stuart Merrill, parue en 1927, le mentionne à plusieurs reprises comme l’auteur et l’éditeur de La Gardeuse de Paons, un « tombeau » offert au maître symboliste en 1917 et publié par Les Facettes, elle ne le cite jamais parmi son entourage, encore moins comme faisant fonction de secrétaire. Elle a eu accès cependant aux archives du poète américain et aux témoignages de ses proches. Alors, réalité ou récit valorisant ?
En fait, la connaissance de la biographie de Léon Vérane repose pour l’essentiel sur la mémoire de ses amis et sur les souvenirs de ses contemporains, exprimés le plus souvent dans des textes écrits en hommage au poète.
Quelquefois, l’origine de ces informations en est Vérane lui-même dont on connaît l’esprit malicieux. Les commentateurs ont jusqu’à présent largement utilisé ces données plutôt que de recourir aux sources documentaires. C’est la raison pour laquelle bien des aspects de la vie de Vérane restent imprécis, notamment au sujet de ses études et des débuts de sa vie professionnelle.
Or, les archives municipales de Toulon [9] nous apprennent qu’il est entré à la mairie en qualité de commis, le 1er septembre 1904. Il n’avait pas encore dix-huit ans.
Mais les dieux gèrent nos destins !
Je fus rond de cuir un matin
Comme tel autre apothicaire. [10]
Sous-chef de bureau le 1er janvier 1923, il est nommé inspecteur des bibliothèques populaires, le 14 août 1936, en plus de ses fonctions dans les services municipaux. A la liquidation de sa retraite, il est assimilé au grade de chef de bureau. Ainsi, toute sa carrière s’est déroulée à la mairie de Toulon, d’où la continuité de sa présence dans sa ville natale.
La même discordance, entre la transmission orale et les archives, se retrouve à propos de son service militaire.
Le vin frais montait du cellier
On ôtait la bonde aux futailles
C’était en Arles à Trinquetaille
Du temps où j’étais cavalier. [11]
Voilà pourquoi nous retrouvons notre poète, peut-être aidé par son image de « Maure de Toulon », « dans la cavalerie sous l’uniforme des Goumiers [12]». Cette information incite vraisemblablement les auteurs des biographies qui suivent, à noter : « service militaire dans la cavalerie près d’Arles [13] ». C’est ainsi qu’une certitude peut naître d’un extrait de poème.
Cependant, sur le Registre national de la conscription, l’état signalétique et des services de Vérane mentionne : « Léon Vérane, matricule du recrutement 1696, cheveux châtain clair, sourcils bruns, yeux bleus, front haut, bouche moyenne, menton rond, visage allongé ». La taille n’est pas indiquée, mais le niveau 2, noté pour son degré d’instruction générale, permet de savoir qu’il « sait lire et écrire ».
Enfin, dans cette liste dressée en 1907, le Conseil de révision l’exempte pour raison de santé. Ce n’est que lors de la Grande Guerre qu’il est déclaré bon pour le service auxiliaire, le 22 décembre 1914, et qu’il est incorporé au 11e Régiment de hussards [14].
Le flou des origines concerne aussi les débuts poétiques. En effet, La Flûte des Satyres et des Bergers, premier ouvrage co-signé avec Arthur Verdier, édité par la revue Vers et Prose, à Paris, en 1910, suscite de nombreuses interrogations.
La première porte sur la date de parution. A priori, cela ne devrait pas poser de problème puisqu’elle est imprimée sur la page de couverture du recueil. Pourtant, les critiques signalent le plus souvent l’année 1909, vraisemblablement influencés par Vérane lui-même [15]. Si cela peut traduire la fantaisie de l’auteur, nous pouvons aussi penser qu’il s’agit d’une volonté d’anticiper ses débuts. Mais quelles en seraient les raisons ?
Une autre question concerne l’identification d’Arthur Verdier. Co-auteur du recueil, il signe également trois poèmes dans les deux premiers numéros des Facettes. Sa présence aux côtés de Vérane, surtout à cette époque, est importante. Mais en l’état de nos connaissances, nous ne pouvons que nous interroger à son sujet. Qui est Arthur Verdier ? Comment et où a-t-il connu Vérane ? Pourquoi ont-ils publié ensemble ce recueil de poésie ? Comment se fait-il qu’après janvier 1911, il n’y a plus aucun texte de lui dans Les Facettes ? Qu’est-il devenu [16] ?
A ce poète non identifié correspondent des poèmes dont l’auteur est difficilement identifiable. En effet, il est malaisé de savoir qui, d’Arthur Verdier ou de Léon Vérane, a écrit chacun des seize textes publiés, à l’exception de trois poèmes. « Devant la croix de frêne » et « Marsyas joue de la flûte devant les chevriers » paraissent sous la signature de Verdier dans Les Facettes.
Pour Vérane, un sondage effectué auprès des revues poétiques permet de lui attribuer « L’Offrande à Pan », publiée sous le titre de « L’Offre à Pan » dans Les Marches du Sud-Ouest [17]. Il est toutefois regrettable de ne pas savoir qui est l’auteur du poème intitulé « Le Lièvre de Phanion », dédié à Francis Jammes, car s’il était de Vérane nous pourrions alors étudier l’une de ses premières influences poétiques.
Si la relation à Jammes est incertaine, son lien avec Paul Fort est tout à fait possible. En effet, La Flûte est éditée à Paris, par les soins de la revue Vers et Prose que dirige ce dernier. Là encore, nous nous trouvons face à de nouvelles questions. Qui, de Vérane ou de Verdier connaît celui qui sera élu, deux ans plus tard, Prince des Poètes [18] ? Et surtout, comment arrivent-ils à faire éditer leur premier recueil par un titre parisien aussi prestigieux ?
Tout cela mériterait une étude approfondie, d’autant plus que ce premier ouvrage présente un contenu intéressant avec des vers imités de l’Anthologie. Il s’agit vraisemblablement de l’Anthologie Palatine, un choix ancien d’œuvres de poètes grecs qui a servi, pendant des siècles, de référence aux lettrés, aux artistes et surtout aux poètes, de Ronsard à Jean Aicard. Il n’est donc pas étonnant que Vérane fasse ses premiers pas poétiques avec l’Anthologie, surtout dans un mouvement de retour au classicisme.
Cette imprégnation première jalonne l’ensemble de l’œuvre jusqu’au dernier ouvrage, Avec un Bilboquet, introduit par cette phrase liminaire : « Ici la flûte se substitue à la lyre ». Ainsi, de 1910 à 1954, la flûte, l’instrument de Pan, des satyres et des bergers, est un signe de permanence.
Une nouvelle fois, nous constatons que Les Facettes ont le même destin que Vérane, la même ligne de vie.
A l’origine des Facettes
Si la dernière parution des Facettes date de 1946, pour la revue et de 1954, pour la structure éditoriale, en revanche, son origine est incertaine. Les différents critiques varient entre les années 1909, 1910 et 1911.
Si 1911 est une erreur flagrante, puisque nous connaissons la livraison d’octobre 1910, pouvons-nous dire pour autant que la date de fondation est également celle de la parution ? Si nous considérons que le processus de création d’une revue comporte deux étapes : celle de l’idée, de la volonté et de la décision de publier, puis celle de la mise en œuvre, de la concrétisation et de l’édition, il est certain qu’il a fallu quelques mois voire une année à Vérane pour réaliser le premier numéro.
Cela pourrait être une explication, mais il pourrait y avoir, là encore, une réelle volonté d’anticiper l’événement, d’autant plus que 1909 est une année importante pour la naissance des périodiques. André Gide fait paraître la NRF, Jean-Marc Bernard, Les Guêpes, Nicolas Beauduin, Les Rubriques Nouvelles, Michel Puy, L’Isle Sonnante, Henri Martineau, Le Divan, Belval-Delahaye, Les Loups, Henri Dérieux, Joseph Billiet et leurs amis lyonnais, L’Art Libre…
C’est aussi en 1909 que Stuart Merrill publie son dernier ouvrage Une voix dans la foule, son testament poétique. C’est encore la réception de Jean Aicard à l’Académie française. Et c’est surtout l’année du mariage de Léon Vérane avec Marie Allègre, à Toulon, le 7 juin.
Voici quelques raisons qui peuvent expliquer le choix de 1909 comme date de création des Facettes.
Les Facettes, c’est un beau titre pour une revue qui accueille chaque poète dans sa singularité, afin de faire vivre dans sa diversité une poésie alors en « crise des valeurs symbolistes », comme l’a si bien montré Michel Décaudin [19], une poésie éclatée en morceaux, dont Vérane souhaite montrer les différentes facettes.
En octobre 1910, nous trouvons Elie Dalichoux, Marius Martin, Henri Savigny, Georges Sylner, Arthur Verdier et Léon Wistorky. Avec Vérane ils sont sept, un nombre symbolique, sept poètes comme les sept cordes de la lyre, chiffre et instrument du culte d’Apollon. Qui sont-ils ? Des personnalités réelles ou virtuelles ? Vérane, fils unique, s’est-il inventé des frères ?
Dans un article de 1932 publié dans la revue Triptyque, [20] Jean Cabanel rapporte des propos de Vérane concernant les origines des Facettes et la présence de collaborateurs fictifs « tels que Elisabeth Gellin, cette poétesse américaine, Georges Sylner son amant et Henri Savigny, cultivateur bourguignon ». Qui écrit derrière ces pseudonymes ?
Sur un exemplaire se trouvant dans le fonds « Var et poésie [21] », une inscription manuscrite de Vérane révèle qu’Henri Savigny serait Léon Vérane et Georges Sylner, Marius Martin. Le renseignement est important, encore faut-il le vérifier en recherchant dans les recueils ultérieurs de Vérane, un ou des poèmes qu’il aurait écrits précédemment sous la signature de Savigny.
C’est effectivement le cas pour « Hiver », un texte de Savigny paru dans Les Facettes d’octobre 1910 et publié sous le même titre par Vérane, avec une dédicace à Vincent Muselli, dans Le Promenoir des Amis en 1924, puis dans Le Livre des Passe-Temps en 1930.
La neige a couronné de blancheur le château,
La glace claire bave aux gueules de ses guivres,
Sans redouter l’autan que les frimas délivrent,
A l’entour du donjon, plane un vol de corbeaux.
La salle est vaste ; un jour gris tombe des carreaux
Que la nuit a voilé de fins rideaux de givre.
Dans l’âtre, un feu puissant tord ses membres en cuivre
Et jette sur le sol des lueurs de flambeaux.
Sans cesse résonnant entre les meneaux grêles,
Le cristal que le vent ébranle de ses ailes,
Bourdonne, les créneaux sifflent, geignent les tours,
A l’épaule du vent roulant sa clameur noire.
Mais rien ne peut tirer du charme de velours
L’enchanteur endormi dans son fauteuil d’ivoire.
La relation Savigny-Vérane étant attestée, nous pouvons penser qu’elle se justifie aussi pour Sylner-Martin. Mais comment identifier ce personnage ? S’agit-il de ce « Bourguignon-Martin » dont parle Cabanel dans son article ? Un Bourguignon-Martin « collaborateur du Mercure de France et de La Phalange de Royère », qui « connaît Henri de Régnier et Stuart Merrill ». Un Bourguignon-Martin qui conseille au jeune Vérane « de fonder une revue uniquement consacrée à la poésie » et « qui la baptise sur le champ. Elle s’appellera : Les Facettes ».
Cette information capitale qui montre toute l’importance de Marius Martin, en accroît davantage le mystère. Que savons-nous de lui ? Cabanel semble le considérer comme l’aîné de Vérane. Quant à Tristan Klingsor, dans un hommage à Vérane paru dans la revue L’Ermitage en 1928, il parle au passé de Martin comme il le fait de Paul-Jean Toulet [22]. Or, dans la livraison des Facettes de novembre 1912, en page trois de couverture, il est indiqué que la revue publiera en 1913 les poésies posthumes de Marius Martin. Ce recueil nous est inconnu mais l’indication est précieuse.
En effet, nous pouvons supposer que Martin, âgé, meurt à Toulon durant l’année 1912. Après avoir consulté le registre des actes de décès à l’état civil de Toulon, il apparaît que Marius Louis Pierre Martin est décédé le 1er mai 1912. Il était commis des Postes, né à Beaune, en Côte d’Or, le 24 septembre 1890. C’est bien notre Bourguignon et il n’avait que vingt et un ans ! Ainsi, l’inventeur des Facettes était le cadet de Vérane. Cette découverte nous renvoie à notre première interrogation et en suscite d’autres. Qui est Marius Martin ? Pourquoi est-il mort si jeune ? Que s’est-il passé ?
A ce jour, les seuls éléments que nous ayons se trouvent sous la signature du poète Jean Royère, directeur de la revue parisienne La Phalange, dans un article nécrologique paru en juin 1912 [23]. L’auteur se montre d’abord très laudateur à l’endroit de Marius Martin qui était, écrit-il, « un poète richement doué », « l’un des plus originaux de sa génération », « de qui nous attendions beaucoup ». Il le décrit comme : « un imagier ingénieux […], un ouvrier adroit des mots qui savait mettre beaucoup d’âme dans les vers […]. Il avait à un rare degré le don du pittoresque, du détail important, du trait poétique : c’était un enchanteur ».
Puis, Jean Royère précise comment il l’a rencontré. « C’est par, Stuart Merrill, qui le premier, je pense, l’avait remarqué que j’ai connu ce jeune poète et son ami Léon Vérane avec qui il fonda Les Facettes ». A cela, le directeur de La Phalange ajoute : « Paul Fort aussi avait discerné le talent de Marius Martin ». Ce témoignage primordial établit qu’il existe un lien premier entre Stuart Merrill, Martin et Vérane, ainsi qu’une relation avec Paul Fort. Il faut espérer que de futures recherches permettront d’en préciser la nature.
Enfin Jean Royère, après avoir dit toute sa tristesse, demande « à Léon Vérane la permission de raconter pourquoi et comment Marius Martin est mort. Il ne s’est pas mis un revolver à la tempe. A la suite d’un grand chagrin, que ses intimes mêmes ont toujours ignoré, il s’est laissé mourir de faim ». En effet, c’est Vérane qui lui écrit pour l’informer du décès de son ami, qui lui dit que Marius Martin a détruit la plupart de ses poèmes manuscrits et qu’il a l’intention de publier ce qui a pu être sauvé, dans un numéro hors série des Facettes.
Ce recueil posthume a-t-il vu le jour ? Ou bien a-t-il pris la forme de l’hommage collectif rendu à Stuart Merrill, en 1917, par trois de ses disciples : Marius Martin, Elie Dalichoux et Léon Vérane ? Une fois de plus, nous voilà face à nos interrogations et à la difficulté d’identifier tous ceux qui ont participé à la création des Facettes.
Au stade actuel de nos recherches, nous savons que les sept n’étaient que cinq, car deux d’entre eux – Sylner et Savigny – étaient les pseudonymes de Martin et de Vérane. Il nous faudra encore découvrir ultérieurement qui sont Elie Dalichoux [24], Arthur Verdier et Léon Wistorky [25] si nous voulons mieux connaître les poètes à l’origine des Facettes.
Les facettes de Léon Vérane
L’année 1910 montre un Vérane en transition entre une empreinte classique et une influence symboliste. Un Vérane qui créé une revue destinée à publier les différentes facettes de la poésie contemporaine, avec un regard plus large que sa simple expression poétique.
En 1911, Les Facettes révèlent un Vérane protéiforme : il dirige son périodique, il fait le choix des textes qu’il reçoit, il les édite, il rédige la critique littéraire et, surtout, il est poète.
En tant que directeur des Facettes, il fait paraître sa revue en janvier, en avril, en juillet et en novembre 1911. Il publie soixante-quatorze poèmes de quarante-neuf poètes dont quarante-trois sont nouveaux par rapport à la livraison d’octobre 1910.
Le premier numéro de l’année nous en fait découvrir quatre seulement – Louis Mandin, J.-F.-Louis Merlet, Banville d’Hostel et Elisabeth Gellin, la poétesse américaine inventée par Martin et Vérane – alors que les publications suivantes comportent respectivement quatorze, douze et treize auteurs encore inédits aux Facettes.
Hormis trois que nous qualifions d’« anciens », comme Toulet, la plupart des poètes publiés en 1911 appartient à la génération de Vérane, c’est-à-dire qu’ils sont nés dans les années 1880 et qu’ils sont représentatifs de l’éclatement des écoles littéraires dont Les Facettes nous montrent la diversité.
Ainsi, le Picard Philéas Lebesgue est un régionaliste tout comme Edouard Gazanion pour le Velay ou Olivier Bag pour le Sud-Ouest. Léonce Cubelier de Bénac et Sébastien-Charles Leconte sont des intégralistes ; Nicolas Beauduin est le théoricien du paroxysme tandis que Banville d’Hostel s’engage pour le visionnarisme, une expression poétique des théories de Bergson.
Charles Dornier est un tenant de la poésie sociale. Jean-Marc Bernard, adepte d’une restauration de l’idéal classique, est proche du monarchiste Charles Maurras, alors que Marcel Millet milite pour une renaissance révolutionnaire ainsi que le préconise Jean-Richard Bloch.
Il y a aussi des néo-Mallarmistes avec Louis Mandin, des spiritualistes tels que Noël Nouët ou encore des Jammistes, comme Touny-Lérys et Georges Gaudion qui viennent de lancer un manifeste pour le primitivisme en réaction au futurisme de Marinetti.
Ils vivent en province ou à Paris et bon nombre d’entre eux dirigent des revues ou participent activement à leur vie éditoriale. Entre ces personnalités et Les Facettes, il y a un important courant d’échange.
Les Facettes publient ces poètes et leurs revues font paraître les poèmes de Vérane. Par exemple, au cours de cette année 1911, Les Rubriques Nouvelles de Nicolas Beauduin éditent « Les Licornes », Les Marches du Sud-Ouest d’Olivier Bag, « L’Offre à Pan », La Mêlée de René Legrand « Les Joueurs de Quilles ». Et « Le Puits aux Sorciers » paraît dans Le Feu d’Emile Sicard, un périodique dont Edouard Gazanion et Francis Carco sont l’un secrétaire général et l’autre secrétaire de la rédaction chargé des chroniques poétiques.
Si des liens d’estime et d’amitié se créent entre les poètes et si Vérane est débordant d’enthousiasme, il est vrai aussi qu’un directeur de revue ou un critique peuvent exercer une certaine influence.
Vérane se fait alors critique. Il indique dès octobre 1910 dans Les Facettes : « Nous rendrons compte dans nos cahiers de tous les recueils de vers reçus ». Ce n’est peut-être pas un hasard si ses premières analyses portent sur un ouvrage de Paul Fort, le directeur de Vers et Prose, son premier éditeur, puis sur un recueil d’Edouard Gazanion, de la revue Le Feu et sur un livre de Nicolas Beauduin, des Rubriques Nouvelles ou de J.-F.-Louis Merlet, dont Vérane va devenir le collaborateur pour sa Lettre mensuelle.
Enfin, il fait une agréable présentation des Petits Sonnets de Tristan Derème qui, après avoir soufflé dans L’Oliphant, est maintenant au comité de rédaction de L’Isle Sonnante, que dirige Michel Puy. En un an, Léon Vérane et Les Facettes sont devenus des acteurs à part entière d’une vie poétique extrêmement dynamique. C’est l’âge d’or de Vérane.
L’année 1911 est marquée par le duo Martin-Vérane. Dans un hors-série des Facettes qui paraît à l’automne, Marius Martin publie un long poème intitulé La Licorne. A ce numéro exceptionnel répond Terre de Songe, un recueil de Vérane dédié à « Marius Martin, imagier fantasque ».
Cette inscription témoigne non seulement d’une amitié mais aussi d’une fraternité poétique en raison de la proximité de l’expression et du thème. Il s’agit d’un monde d’enchantements, peuplé de princesses et de chevaliers, de mages et de sorciers, de nains et de gnomes, de centaures et de licornes, dans un décor minéral de palais irréels et de jardins colorés. Avec cet ouvrage, Léon Vérane devient éditeur et se publie lui-même[26].
« Cette Terre de Songe dont Vérane est le roi sans couronne », comme l’écrira Léon-Gabriel Gros[27], est un ensemble de seize poèmes dont cinq ont paru dans Les Facettes parmi lesquels le premier, « Dans les trois Tours », offert à Henri de Régnier.
L’étude des autres dédicaces permet d’approcher le Vérane de 1911, dévoilant ses références poétiques, ses qualités relationnelles, son sens de l’amitié.
Nous trouvons tout d’abord un hommage à ses modèles : Henri de Régnier, Stuart Merrill et André-Ferdinand Hérold. Trois symbolistes. Le titre Terre de Songe paraît d’ailleurs être un écho de Tel qu’en songe, recueil paru en 1892 et considéré par la critique comme « la plus heureuse contribution de Régnier au symbolisme[28] ». Vérane a peut-être assisté à sa réception à l’Académie française comme le suggère René Legrand dans la revue La Mêlée, dans un article où il précise : « en l’apparentant à Henri de Régnier, je fais du talent de Léon Vérane un bel éloge[29] ».
Parmi les dédicataires, il y a évidemment Stuart Merrill « qui fut aux côtés de Pierre Quillard et d’André-Ferdinand Hérold le chantre des “chevaleries sentimentales”, qui eurent un instant les faveurs de la jeunesse[30] » et donc de Martin et de Vérane.
Les dédicaces témoignent ensuite des qualités relationnelles de Vérane. Elles participent à un jeu d’échange de publications, de compliments, d’hommages, en un mot, de reconnaissance, car il faut bien reconnaître l’autre pour se faire connaître. C’est vraisemblablement ce qui se passe avec Michel Puy, J.-F.-Louis Merlet, Edouard Gazanion, Marcel Millet ou Louis Mandin, tous responsables de revues.
Il y a enfin les marques de l’amitié. Elles s’adressent à Elie Dalichoux, à qui Vérane dédie « L’Enchantement », à Henri Charpentier qu’il qualifie de « poète magnifique de la mer fabuleuse » et à Marcel Prouille qu’il va bientôt publier. On discerne surtout les amitiés naissantes qui se renforceront au cours des années. C’est le cas pour Tristan Derème, à qui Vérane consacre deux pièces sur les seize de l’ouvrage et pour Tristan Klingsor à qui il offre « Le Nain qui jonglait ».
Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône,
Les perroquets rouges et verts se sont juchés
Et troublent d’un frôlis d’ailes le soir d’automne
Au long des boulingrins de corolles jonchés.
Et le nain, sous son chaperon de velours jaune
Où comme un bleu panache un iris est fiché,
Jongle avec des citrons, des cédrats et des pommes
Aux cris rauques des grands oiseaux effarouchés.
Mais la lune surgie au ciel de lazulite,
Ecorne sa rondeur aux ifs pointus du bois,
Et le nain qui jonglait, soudain devenu triste,
Songe qu’il a manqué pour la première fois
Un citron, un cédrat ou une pomme blanche,
Puisqu’un fruit est resté dans la fourche des branches.
L’admiration de Francis Carco pour ce sonnet[31] pourrait expliquer la présence de Vérane à ses côtés, en compagnie de Derème et de Pellerin, dans le Petit Cahier, annonciateur des Fantaisistes, publié à Tarbes, en 1911[32].
Et si la fantaisie n’était qu’une des facettes de Léon Vérane ?
Si 1911 est une année faste, 1912 est marquée par la mort de Marius Martin. Cependant, à notre connaissance, Vérane ne dit rien, pas plus qu’il n’écrit à ce sujet dans Les Facettes, sinon la phrase laconique annonçant, pour 1913, la publication de poèmes posthumes.
Bien que Vérane ne fasse paraître aucun ouvrage personnel cette année-là, il mène son activité éditoriale avec trois numéros des Facettes, comprenant quarante et un poèmes, écrits par trente-trois poètes dont vingt nouveaux. De plus, il publie deux hors séries, l’un en janvier pour Marcel Prouille, l’autre en avril pour Michel Puy, réalisant ainsi les projets en cours d’élaboration. Tout semble se dérouler normalement.
Néanmoins, il n’y a que trois cahiers trimestriels : en février, en octobre et en novembre, soit un numéro d’hiver et deux numéros d’automne. Il n’y a rien au printemps et rien en été alors que la livraison de février annonce la prochaine pour le mois de mai. Fantaisie de Vérane dirait un commentateur superficiel. Or, nous savons que Marius Martin est mort le 1er mai. Et pendant plusieurs mois Les Facettes restent silencieuses.
Quant à la participation des auteurs, qui semble à première vue identique par le nombre à celle de l’année 1911 – respectivement treize en février, douze en octobre et quatorze en novembre, – elle se révèle en réalité bien inférieure à celle de l’année précédente si l’on prend le critère de la présence de nouveaux poètes.
Le numéro d’octobre, soit la première édition après le décès de Martin, n’en comprend que deux. Vérane utilise vraisemblablement des textes en réserve, écrits par des auteurs précédemment publiés, alors que le rythme de renouvellement a été jusqu’à présent très soutenu, afin de montrer l’abondance et la diversité de la création poétique de l’époque, c’est-à-dire ses différentes facettes.
Enfin, le contenu des Facettes évolue et la poésie de Vérane se modifie. Elle n’exprime plus la « Terre de Songe », mais elle évoque le matin, l’automne, le repas du soir.
La servante a posé sur la table trapue
Les fruits en pyramide dans les compotiers,
Le vin violet qu’elle a tiré du cellier,
La carafe que l’eau de la citerne embue.
La lampe est suspendue à la fourche d’un frêne,
Des enfants s’amusent aux fleurs des faïences,
Un papillon de nuit dans la lumière danse,
Le vent vient de mourir au cœur blanc des troënes [33].
Vérane a quitté les palais et les cortèges de ses chevaleries sentimentales pour la nature, la saison, la scène intimiste.
Et en même temps, Les Facettes adoptent une thématique homogène dans chaque numéro. A « L’Automne clair » de Vérane répond « Octobre » de Marcel Millet, « Chaleur d’octobre » de Louis Mandin, « En Province », par un après-midi d’automne d’André Foulon de Vaulx.
En novembre 1912, « La Lune sur la Rivière » d’Elie Dalichoux, « Les Racines » d’Albert Erlande, « La Pluie » de Paul Myrriam et « Le Déjeuner » d’Edmond Pilon viennent en complément du « Repas du Soir » de Léon Vérane.
Cette tendance s’affirme quelques mois plus tard avec le nouvel ouvrage de Vérane, Dans le jardin des lys et des verveines rouges. Le recueil est édité par Les Facettes. Bien qu’il soit non daté, tous les critiques s’accordent sur l’année 1913. Le monde poétique de Vérane a changé, le poète l’indique lui-même. En effet, comme une transition dans la continuité d’une œuvre, le dernier poème de Terre de Songe devient le premier de ce livre dont il prend le titre.
Dans le jardin des pâles lys et des verveines
Où les princesses de légende ont passé. [34]
Le temps des princesses est en effet révolu, Vérane regarde maintenant
Au milieu du pré, des enfants, ce soir,
Dansent dans l’herbe fraîche où vont mourir
Le rouge souvenir du sceptre et de l’épée.[35]
Aux princesses se substituent la servante du repas du soir ou les vieilles du village qui « tricotent au seuil des portes basses ». Ce sont des figures modestes, éléments d’une scène que décrit le poète, un homme seul face à la nature.
Mes yeux mi-clos contemplent un ciel qui se rose
Je les rouvre et je ris ma joie vers le ciel clair,
Je savoure le vent qui a le goût des roses
Et regarde osciller de fins iris d’or clair[36]
Tout au long de cet ouvrage, Vérane compose de petits paysages qui sont autant d’aquarelles. Il est devenu peintre, un peintre paysager dont les poèmes portent des titres de tableaux : « Matin, De la tonnelle, Septembre, Marine, Après l’averse, Conte d’hiver, Couleurs au bois, Au soleil… ». Il conclut par deux conseils.
…écoute contre un cippe
Pan souffler dans sa flûte entre les buis vernis […]
Ecoute, tandis que le vin fuse en ton verre
La bouteille glousser comme une vieille dinde.
Par delà l’empreinte classique, cette adresse à Jean Pellerin annonce les Fantaisistes. D’autant plus que l’ensemble du recueil est dédié à Tristan Derème et qu’un poème lui est particulièrement consacré, un autre l’étant à Francis Carco.
Il est inutile d’évoquer les Fantaisistes en terme d’école, de mouvement ou de genre, ni même de rappeler leur histoire, Michel Décaudin l’ayant fait avec bonheur. Nous pouvons toutefois constater que dans le monde atomisé de la poésie de l’époque, il pouvait y avoir moléculisation lorsque quelques poètes servaient de lien. Cela a été le cas pour les Fantaisistes.
Il est logique que de jeunes créateurs aspirent à construire leur maison poétique. Après le symbolisme, le naturisme, l’humanisme, l’école française, l’intégralisme, la renaissance classique, le néo-symbolisme, le groupe de l’Abbaye et l’unanimisme, ou encore le paroxysme, le Jammisme, le régionalisme, le synthétisme, le somptuarisme, l’impulsionnisme, le primitivisme, le subjectivisme, le sincérisme, l’intensisme, l’école spiritualiste, le floralisme, le simultanéisme, l’impérialisme, le dynamisme… et ce n’est pas exhaustif, pourquoi n’y aurait-il pas les Fantaisistes ?
La moléculisation se fait ici grâce aux qualités de communication et au talent de Francis Carco et de Tristan Derème, à la référence à Paul-Jean Toulet et bien sûr à l’Amitié. De plus, si les Fantaisistes ont franchi l’épreuve du temps, il faut peut-être aussi compter avec les travaux de quelques universitaires, véritables refondateurs. Aussi, nous n’allons pas faire une étude des Fantaisistes, mais seulement essayer de comprendre – et cela ne sera qu’une esquisse – comment se situent Vérane et Les Facettes dans ce mouvement naissant.
Dans le numéro de mai 1913, Léon Vérane réunit quarante textes de vingt-quatre poètes [37], dont dix n’ont jamais été publiés. De toutes Les Facettes, c’est la livraison qui contient le plus de poèmes. Elle innove aussi par sa présentation.
Pour la première fois, elle porte un titre, « Indépendants et Fantaisistes » et sa couverture est ornée d’un dessin. Son auteur, également poète, est Edmond Rocher. La gravure représente une vigne grimpante, des raisins et une coupe. Nous voilà placés sous le signe de Dionysos.
Pour la première fois aussi, il y a une préface. Signée Tristan Derème, elle est illustrée par une caricature de Lucien Mauny qui figure Tristan en Hamlet fumant la pipe. Un autre dessin montre Vérane avec barbe et pipe, accompagnant un poème intitulé « Grotesque ». Ce clin d’œil à Derème traduit le style nouveau de Vérane, affirmé davantage encore dans « Nocturne ».
Dans ce caboulot
Des crocheteurs braillent
Mais tu es au chaud
Les pieds dans la paille.
Tu sais que nul livre
Ne vaudrait ce soir
Ce vin qui t’enivre
Ce vin rouge et noir.
Et que ta maîtresse
Dénoue sans émoi
L’or doux de ses tresses
Pour d’autres que toi.
Va ! Jusqu’au matin,
Une pipe aux dents,
Cherche dans le vin
Un thème à tes chants.
Et sur ta misère
Ce plafond sali
Plus qu’un ciel lunaire
Versera l’oubli.[38]
Tout laisse maintenant supposer qu’une nouvelle poésie de Vérane, la poésie des bars, est en marche. Pourtant, il ne donne rien qui y ressemble dans les poèmes qu’il publie dans Les Facettes avant la guerre.
En effet, en octobre 1913, le sonnet intitulé « Le Camp », dédié à Edmond Rocher l’illustrateur du numéro de mai, nous ramène à nouveau dans la « Terre de Songe », tout comme celui de février 1914, « La Tour vermeille ».
Brandissant lourdement dans la lumière chaude
Sa colonne de feu qui heurte le soleil
Et s’enlace de lierre aux feuilles d’émeraude,
La Tour luit au dessus des prés au vert éveil.
De longs vols de corbeaux rauques claquent et rôdent
Dans le ciel de clarté, alourdis de sommeil
Et fleuronnent la Tour que le lierre corrode
En diadème noir à son faîte vermeil.
Dans l’or lisse et massif se sculpte trois ogives
Dont les vitraux ont des cortèges délicats
Et trois princesses dans la Tour d’or sont captives.
Le soleil violent s’affaisse d’être las,
Le vieil enchanteur monte à la sente déclive
Et la route au soleil se stèle de mica.
Ce retour à la « Terre de Songe » interpelle à plus d’un titre. Il est troublant que cette période – 1910-1914 – commence par « Les trois Tours » et s’achève par « La Tour vermeille ».
Il est troublant aussi de retrouver les trois princesses captives. Il est troublant encore de voir combien ce poème, comme une transition, annonce le Vérane d’après guerre, tel un vieil enchanteur ou plutôt un enchanteur désenchanté.
Enfin, il est troublant de voir l’illustration choisie par Vérane pour ce dernier poème, un paon, préfiguration de son futur recueil, de son hommage à Stuart Merrill, La Gardeuse de Paons.
Et si la fantaisie n’était qu’une des facettes de Léon Vérane ?
Dans la trame des jours
Ainsi, l’étude des Facettes révèle un Léon Vérane à la personnalité affirmée. Il est directeur de revue, critique, éditeur et, bien sûr, poète.
Son œuvre elle-même présente plusieurs aspects : une empreinte classique de la poésie grecque, une influence du mouvement symboliste et la participation au groupe des Fantaisistes, la seule facette de Vérane qui soit abordée jusqu’à présent par les commentateurs.
Mais connaît-on vraiment la poésie de Vérane, au-delà des témoignages et des clichés ?
Léon Vérane, son œuvre et Les Facettes appartiennent à notre patrimoine littéraire. Il est temps de passer de l’anecdote à l’étude, du témoignage à l’essai, de la mémoire à l’histoire, à l’histoire littéraire et à l’étude stylistique. Cette approche de Vérane et des Facettes, de 1910 à 1914, nous y incite.
Sur la quatrième page de couverture du dernier ouvrage paru avant la Grande Guerre, Dans le jardin des lys et des verveines rouges, Vérane annonce la parution prochaine d’un recueil de poèmes intitulé Ce qui était brodé dans la tapisserie. En raison des évènements, il ne le publiera pas. Les poèmes composés pour cette œuvre rejoindront, en 1924, Le Promenoir des Amis et, en 1930, Le Livre des Passe-Temps.
Dans la trame du temps, Vérane reprend un ensemble de fils enchevêtrés. A nouveau, dans ces recueils, il installe « Les trois Tours » comme un souvenir de son âge d’or. Et tenant lui-même le fil de sa destinée, il s’exerce au tissage, symbole du rythme vital, de l’alternance indéfinie du souffle, de l’inspiration et de l’expiration, des jours et des nuits, des mois, des années jusqu’à ce que le fil soit coupé.
Dans le monde méditerranéen, tisser c’est participer à l’œuvre créatrice. Et quelle que soit la nature des fils, c’est-à-dire des prédestinations, des déterminismes, en un mot du Destin, il est permis à chacun, et plus particulièrement au poète, de broder sur sa tapisserie.
Voilà pourquoi Vérane est tisserand, tout simplement parce qu’il est poète.
J’ai courbé les jets d’eau sur les bassins moirés,
J’ai fait se tordre au mur l’arabesque des vignes,
J’ai strié de clarté les ombres des forêts,
Et de mes doigts neigea la tristesse des cygnes.
J’ai mûri doucement, en des vergers de soie,
Les fruits que me tendaient les automnes passés ;
Entre la tige en fleurs et la branche qui ploie,
De fils d’or et d’argent bien souvent j’ai tracé
La moisson soleilleuse et le fleuve glacé.
Mes yeux m’ont conseillé des images fleuries ;
J’ai conduit la nuance en chatoyants détours ;
Et puis, pour décorer les chambres de ma vie,
J’ai brodé des baisers dans la trame des jours. [39]
NOTES
1. Léon Vérane, « Dans les trois Tours », dédié à Henri de Régnier, Les Facettes, revue trimestrielle de poésie, Toulon, octobre 1910. Ce poème figure ensuite dans Terre de Songe, Toulon, Les Facettes, s. d. [1911], dans Le Promenoir des Amis, Paris, Bibliothèque poétique de la Muse française, Garnier éd., 1924, p. 69 et dans Le Livre des Passe-Temps, Paris, éd. Emile-Paul Frères, 1930, p. 3.
2. Ad. Van Bever et Paul Léautaud, Poètes d’aujourd’hui, Paris, Mercure de France, 1901.
3. Bien que peu nombreuses, les poétesses sont toutefois présentes dans Les Facettes. Ainsi, pour la période considérée (1910-1914), nous avons relevé les noms de Gabrielle Basset-d’Aurillac, Elisabeth Gellin, Marie Gevers, J. Libère, Jane Mercier-Valenton, Cécile Périn et Henriette Sauret.
4. Certains poètes restent encore à identifier, notamment d’après leur état civil : René Berthier, Lucien Boudet, Léon Brondet, Jean Bruant, Elie Dalichoux, Joël Dumas, Adrien d’Escrivan, Charles Libelle, Maurice Ortalli, Georges Poncelet, Jean Sauclières, René Schmickrath, Arthur Verdier et Léon Wistorky.
5. Parmi les poètes des Facettes, certains sont connus sous leur pseudonyme. Ainsi François Carcopino devient Francis Carco ; Georges David est dit Jacques Balder ; Georges Faillet dit Fagus ; Roger Fraysse, qui signe aussi occasionnellement dans Les Facettes du nom de Georges Tournefeuille, est dit Roger Frène ; Philippe Huc dit Tristan Derème ; Robert de La Vaissière dit Claudien ; Léon Leclerc dit Tristan Klingsor ; Albert Liénard dit Louis Payen ; Marcel Marchandeau dit Touny-Lérys ; Charles Moulié dit Thierry Sandre ; Marcel Prouille dit Marcel Ormoy.
6. Philoxène Bisson, « Les Revues Littéraires », Vingt-cinq ans de littérature française, sous la direction d’Eugène Montfort, Paris, Librairie de France, [1926], tome II, p. 267.
7. Cet élément d’appréciation résulte d’une comparaison entre l’ensemble des poètes présents dans Les Facettes de 1910 à 1946 avec la liste publiée par Henri Dérieux, en annexe de son panorama : La Poésie française contemporaine (1885-1935), Paris, Mercure de France, 1935, p. 230-268. Une étude sur les poètes des Facettes reste à faire.
8. Marjorie Louise Henry, La contribution d’un Américain au symbolisme français, Stuart Merrill, thèse pour le doctorat d’université présentée à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1927. Léon Vérane est cité aux pages 178 et 265.
9. Archives municipales de Toulon, listes électorales de 1910 (1KII 2), état du personnel (21W90 F5), registres des délibérations du Conseil municipal, délibérations du 22-01-1941 (IDI 206 F44), 28-04-1947 (4W8 F37) et 20-02-1951 (4W21 F113). Avec mes remerciements à Mesdames Christine Monge et Magali Bérenger.
10. Léon Vérane, « Vingt ans », dédié à Charles d’Eternod, Points et Contrepoints, « Hommage à Léon Vérane », n° 42, décembre 1957, p. 2.
11. « Les Rouliers », dédié à Paul Jean Jacob, La Calanque au Soleil, Paris, Rombaldi, 1946, p. 45.
12. Patrick Lorenzini dans Vérane et la bohème toulonnaise, Toulon, éd. Régine Vallée-Le Passé retrouvé, 1994, p. 35, écrit : « Bientôt pourtant, passé le service militaire qu’il accomplit dans la cavalerie, sous l’uniforme des Goumiers, … » en précisant dans une note : « A la manière du Guy au galop d’Apollinaire, Vérane a ainsi poétisé ses souvenirs militaires ». Dans cette biographie, que l’on a plaisir à lire et aux réelles qualités d’écriture, Patrick Lorenzini nous fait découvrir l’œuvre d’un véritable poète, suscite une vive sympathie pour sa personnalité et incite à en savoir davantage. C’est pourquoi je souhaite lui exprimer toute ma reconnaissance car il est l’indispensable maillon d’une chaîne d’amis de Léon Vérane que nous souhaitons voir durer longtemps encore, pour la Poésie, pour l’Amitié.
13. Les Etoiles et les Roses, poèmes choisis, préface de Robert Houdelot, Paris, Maison de Poésie, 1996, p. 9 ; ainsi que Léon Vérane, Philippe Chabaneix et l’Ecole Fantaisiste, Aix-en-Provence, Edisud, coll. « Var et poésie », 2003, p. 373.
14. Etat Signalétique et des Services, Registre national de la conscription, Archives départementales du Var, (1 R 860), avec mes remerciements à Mesdames Pascale Bugat et Martine Fourmond ainsi qu’à M. Roger Faye.
15. La Flûte des Satyres et des Bergers, Paris, Vers et Prose, 1910. Léon Vérane indique 1909 pour date de parution de son premier recueil, par exemple lorsqu’il publie Dans le jardin des lys et des verveines rouges, Toulon, Les Facettes, s. d., [1913]. Il nous donne aussi la date de 1908 dans son article intitulé « Quelques tendances de la poésie contemporaine », publié dans la revue toulonnaise Les Chroniques de Provence, (Toulon, impr. A. Lions, s. d.).
16. Des recherches effectuées à la Bibliothèque nationale de France, il apparaît qu’un Arthur Verdier est l’auteur d’un roman intitulé Cerise, publié à Nîmes, aux Editions Méridionales, en 1938 (2ème édition).
17. Les Marches du Sud-Ouest, revue régionaliste d’action d’art, directeur Olivier Bag, Paris, juin 1911, n°2.
18. La revue La Phalange, tome XIII, juillet-décembre 1912, publie une série de correspondances de poètes qui, après la mort de Léon Dierx, désignent son successeur au titre de Prince des Poètes. Nous y trouvons une lettre de Léon Vérane (p. 40) qui vote pour Paul Fort : « Qui pourrait se dire plus poète et plus Français que lui ? ».
19. Michel Décaudin, La crise des valeurs symbolistes, vingt ans de poésie française, 1895-1914, Genève, Slatkine, 1981, 536 p. (Paris, Privat, 1960, 1ère éd.).
20. Revue Triptyque, Lettres, Arts, Sciences, novembre 1932. Cet article signé Jean Cabanel est reproduit dans Léon Vérane, Philippe Chabaneix et l’Ecole Fantaisiste, op. cit., p. 379-387.
21. Les Facettes, octobre 1910, collection Léon Vérane, don de Mme Marcelle Vérane à la Bibliothèque de l’université du Sud Toulon-Var, fonds « Var et poésie », crée par le poète Jean-Luc Pouliquen.
22. Tristan Klingsor, « Léon Vérane imagier », revue L’Ermitage, « Hommage à Léon Vérane », Paris, n° 30-31, octobre-novembre 1928, p. 383.
23. La Phalange, tome XIII, janvier-juin 1912, rubrique « Le mois du poète », nécrologie de Marius Martin, pp. 412-415. C’est vraisemblablement à cet article que se réfère Michel Decaudin dans sa thèse La crise des valeurs symbolistes, op. cit., p. 436, note 36.
24. Elie Dalichoux est l’auteur de neuf poèmes publiés dans Les Facettes en octobre 1910 (2), en janvier 1911 (4), en avril 1911, en novembre 1912 et en février 1914. Quatre de ces poèmes se retrouvent dans l’hommage à Stuart Merrill. Nous n’avons sur lui aucune indication malgré les nombreux ouvrages biographiques et bibliographiques concernant les poètes de cette époque que nous avons consultés. Des recherches effectuées aux Archives municipales de Toulon, il ressort qu’un Jean-Pierre Dalichoux, coiffeur, né en 1865, à Saint-André-de-Sangonis (Hérault), était domicilié rue Félix Brun, une rue parallèle au Cours Lafayette. Est-ce le « garçon-coiffeur passionné pour la poésie », qui aide Vérane à payer l’impression des Facettes, dont parle Cabanel dans son article de la revue Triptyque, op. cit., p. 382 ?
25. Léon Wistorky est l’auteur de deux poèmes publiés dans Les Facettes en octobre 1910 (« Prière à La Vierge ») et en février 1913 (« Musiques »). Il est aussi le dédicataire d’un poème « La mort d’un Faune » dans La Flûte des Satyres et des Bergers. Qui en est l’auteur : Arthur Verdier ou Léon Vérane ? Un point important, il est cité comme co-directeur des Facettes avec Léon Vérane, mais uniquement dans le numéro de février 1913. Des recherches effectuées à la Bibliothèque nationale de France, il apparaît qu’un Léon Wistorky est l’auteur d’une comédie en un acte et en vers : Le Songe d’un beau soir, sans aucune indication concernant le lieu, la date et l’éditeur.
26. Ce n’est pas une surprise si les commentateurs varient sur la date de publication de Terre de Songe, car le recueil ne porte aucune indication à ce sujet. Toutefois, un exemplaire d’une collection privée, comprenant une dédicace manuscrite de Léon Vérane à Marcel Prouille, avec la mention de décembre 1911, semble confirmer que la parution s’est faite dans le dernier trimestre de 1911.
27. Léon-Gabriel Gros, « Léon Vérane cynophile », revue L’Ermitage, op. cit., p. 381.
28. Emile Henriot, Poètes français, de Lamartine à Valéry, Lyon, H. Lardanchet, tome II, chap. XXXVI, « Hommage à Henri de Régnier », p. 270 .
29. La Mêlée, chronique des arts, des lettres et des mœurs, revue hebdomadaire, directeur René Legrand, Paris, 2e année, n° 4, 14 mars 1912, p. 6.
30. Henri Dérieux, op. cit. , p. 49.
31. Francis Carco cite ce poème en totalité dans la critique de Terre de Songe qu’il fait paraître dans le revue mensuelle Le Feu, Marseille, 1912, tome I, p. 412-414.
32. Le fac-similé de l’édition originale du Petit Cahier de 1911, qui a été imprimé en vingt exemplaires seulement est publié par Michel Décaudin, Les Poètes Fantaisistes. Anthologie, Paris, Editions Seghers, 1982, p. 45-55.
33. Léon Vérane, « Repas du soir », Les Facettes, novembre 1912. Par la suite, ce poème est publié Dans le jardin des lys et des verveines rouges (Toulon, Les Facettes, 1913), avec une dédicace à André Foulon de Vaulx. Il est repris en 1921 dans Images au jardin (Toulon, Les Facettes, p. 10) avec une variante dans la seconde strophe :
La lampe est suspendue aux branches d’un ormeau
Des enfants s’amusent aux fleurs des faïences,
Un papillon de nuit dans la lumière danse,
Le vent vient de mourir aux hampes des roseaux.
Il est alors dédié à Marcel Ormoy. C’est sous cette forme et avec le même dédicataire qu’il paraît en 1930 dans Le Livre des Passe-Temps, op. cit., p. 53.
34. Léon Vérane, « Dans le jardin des lys et des verveines rouges », du recueil éponyme, op. cit. Ce poème dédié à Louis Mandin est le dernier de Terre de Songe. Il porte alors le titre suivant : « Après les palais et les cortèges ». Vérane le reprend sans le modifier dans son contenu et il le place en premier Dans le jardin des lys et des verveines rouges en lui donnant le même titre que l’ouvrage. L’ancien titre est alors attribué à un nouveau poème, dédié à Stuart Merrill, placé en deuxième position.
35. Léon Vérane, « Après les palais et les cortèges », dédié à Stuart Merrill, Dans le jardin des lys et des verveines rouges, op. cit.
36. Léon Vérane, « Au Soleil », Dans le jardin des lys et des verveines rouges, op. cit. Ce poème est dédié à Malie et Georges Scalup, celui-ci étant un illustrateur des Facettes.
37. « Indépendants et Fantaisistes », avant-dire de Tristan Derème, poèmes inédits de Tristan Klingsor, Guillaume Apollinaire, André Salmon, Tristan Derème, P.-J. Toulet, Fagus, Jean Pellerin, Edouard Gazanion, Francis Carco, Léon Vérane, Claudien, Marius Martin, Georges Gaudion, J.-M. Bernard, René Bizet, Jean Sauclières, Charles Moulié, Marcel Ormoy, Charles Libelle, André Biguet, Louis Pize, Georges Sylner, René Vachia, Léon Brondet ; dessins de Edmond Rocher, André Farcy, Louis Mauny, Victor Senchez, Toulon, Les Facettes, mai 1913, 3e année, 4e cahier.
38. « Nocturne » est le premier poème que Léon Vérane fait paraître sur le thème des bars. Il le publiera régulièrement, dédié à Jean Jacob, dans ses recueils ultérieurs, Images au jardin, op. cit., p. 42-43, Bars, Toulon, Les Facettes, [1923], p. 21-22, Le Promenoir des Amis, op. cit., p. 121-122, Le Livre des Passe-Temps, op. cit., p. 217-218.
39. Léon Vérane, « Le Tisserand », Le Promenoir des Amis, op. cit., p. 48 et Le Livre des Passe-Temps, op. cit., p. 30.
Cet article est la version écrite de la conférence donnée par Alain Bitossi, à Solliès-Ville, le 10 novembre 2003, pour le 49e anniversaire de la mort de Léon Vérane.