L'œil sur une œuvre

Dans le cadre de l’exposition du Musée d’Art :
 « Dessin ancien et moderne, une collection restaurée »
 Du 23 novembre 2012 au 24 février 2013

Jacques-Félix Brun

Toulon 1763 - id. 1831

Port de mer ouvert

Plume et lavis d’encre noire

42 x 62,7 cm

Don Brun, 1872

inv. : 968.5.1

 

Né à Toulon, Jacques-Félix Brun entre très jeune dans l’atelier de sculpture de l’arsenal de Toulon où il est formé par Antoine Gibert, maître-sculpteur de 1763 à 1789. A dix-neuf ans, il fait un premier séjour de six mois à Rome, mais il est contraint de rentrer en France par manque d’argent. Remarqué par l’intendant de la Marine M. de Malouet, il est envoyé à Rome en 1782 aux frais de l’Etat et étudie à l’Académie de France pendant quatre ans. Elève de Jacques-Louis David, il étudie les œuvres des maîtres italiens et la sculpture d’après l’antique. Il revient à Toulon en 1788 et devient maître de l’atelier de sculpture en 1796. Pendant trente-cinq ans, il décore vingt-huit vaisseaux, de nombreux navires et des frégates. Sculpteur à l‘arsenal, il dessine également des projets d’architecture et de décoration. Le musée possède quelques plans et projets décoratifs (fontaines, plafonds, demeures, etc.).

Le dessin représente une scène d’embarquement dans une galère accostée à un quai. La scène semble faire référence à un épisode diplomatique, probablement une alliance entre deux pays, concrétisée par la rencontre entre un homme (en haut de la passerelle) et une dame, escortée par des gardes, qui s’apprête à embarquer avec sa servante. La présence de la galère, nous permet de situer l’époque entre la seconde moitié du XVIIe et le XVIIIe siècle.

Ce dessin présente une multitude de détails à la fois dans la description de la galère, mais aussi dans la scène de genre qui se déroule au premier plan. Sur le quai, plusieurs personnages se livrent à différentes activités : à gauche, des femmes avec des enfants vendent des fruits et légumes derrière un étal, une femme est en train de cuisiner avec un brasero, des chiens s’amusent. A droite, des hommes remplissent des tonneaux à la fontaine, elle aussi richement décorée d’une sculpture (monarque et dauphins), d’autres se reposent sur des canons, tandis qu’un homme se fait battre. Au second plan, le vaisseau porte le blason du roi (fleurs de lys). La partie arrière, la poupe, est décorée de sculptures : deux guerriers romains soutiennent une corniche surmontée d’un groupe représentant un empereur victorieux entouré des symboles célébrant son triomphe. Sur le flanc gauche, une frise figure la rencontre de l’empereur avec un personnage. De part et d’autre de la frise, deux groupes d’anges portent et couronnent deux portraits. Au fond, quelques barques et bateaux passent devant une fortification édifiée au bas d’une falaise. Cette vue de port agencée en plusieurs plans, animée par une scène de genre, rappelle les séries de ports réalisées par Joseph Vernet à la fin du XVIIIe siècle. Le lieu restant non identifié, ce dessin nous fait penser à un Capriccio ou vue de fantaisie où l’artiste agence des éléments architecturaux dans un paysage imaginaire. L’importance donnée au décor sculpté de la poupe de la galère, mais aussi à la fontaine surmontée d’une statue masculine, révèle les talents du maître sculpteur de l’arsenal et du décorateur, qui exécute ce dessin en laissant libre cours à son imagination, et rappelle avec nostalgie la période fastueuse de la décoration navale.

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