À Toulon, on aime vibrer pour les exploits des valeureux gladiateurs. Pas que ceux des Rouge et Noir. Non, on aime la bravoure, le respect de l’adversaire et surtout ce sens tactique qui va permettre de le renverser quel que soit le sport. Ce samedi soir, le public s’est enflammé non pas dans les tribunes du stade Mayol. Mais pas loin… À quelques encablures de là. Sur le Carré du Port. Les adversaires du jour n’avaient rien à envier aux joueurs du Rugby Club Toulonnais. Ni leur résistance. Ni leur courage. Sur le plan d’eau de la Darse Vieille, les tagaïres mandréens ont enchainé les passes. Sans faiblir.

Dans un bruit sourd, les lances de bois viennent heurter les plastrons qui portent les stigmates des duels acharnés auxquels ils se sont livrés aux cours des années. Chaque combat laisse sa trace, une griffure indélébile, la marque des héros. Dans un ballet bien ordonné, les deux barques s’avance à la vitesse maximale de 3 nœuds. Jugés sur la « tintaine », lance dans une main et témoin dans l’autre, les jouteurs s’affrontent dans un duel qui allie à la fois force et adresse : la force d’un lutteur et l’adresse d’un escrimeur. Lorsque la passe est réussie, elle entraine la chute de l’un des deux adversaires.

Des combattants rouge… et bleu

Ce samedi soir, la plupart des combats ont désigné leurs vainqueurs sous les applaudissements des Toulonnais et des touristes massés au pied de Cuverville, spectateur silencieux de cette première soirée de joutes provençales de l’été. Les « benjamins » filles et garçons ont lancé les combats avant de céder « tintaine » et témoin aux « gros » à savoir la catégorie « Senior ». Les Francs jouteurs qui ont traversé la rade à bord du Saint-Flavien et du Saint-Mandrier, leurs destriers des mers. Chacune des barques est spécialement aménagée avec une plateforme (la tintaine) située à 2 mètres au-dessus de l’eau. Les jouteurs portent, pour se protéger, un plastron de bois rouge ou bleu ; et tiennent, une lance de 2,70 mètres de long dans la main droite et un témoin (cube de bois) dans la main gauche qui les empêche de saisir la lance adverse.

À la différence des autres joutes nautiques, la « targo prouvençalo » et ses plongeons souvent qualifiés de « virils » est très codifiée : notamment au moment de la frappe où le « targaïre » (jouteur) doit placer son pied gauche devant une ligne blanche et son pied gauche derrière celle-ci. Si le pied droit franchit cette ligne, il est disqualifié au profit de son rival seulement s’il passe par l’avant. Sport reconnu par l’État depuis 1960, les joutes allient honneur médiéval et fête populaire.

Pratiqué semble-t-il dès l’Égypte ancienne ou la Grèce antique, on retrouve les premiers écrits sur ces premiers combats nautiques en 1270 en France du côté d’Aigues-Mortes. Il semblerait que les croisés, soldats et marins, en attente de départ pour la Terre Sainte, s’affrontaient lors de combats singuliers, montés sur des embarcations légères. Prochain rendez-vous dans le port de Toulon, le samedi 19 août à partir de 18h30 pour de nouveaux assauts épiques…